• Syrie

    Les vrais raisons du conflit syrien 

     

    Le dernier bastion de la Russie au Levant doit être éliminé !

    Les médias occidentaux orchestrent une propagande qui campe le Président syrien Bachar El-Assad comme un despote enragé qui fait ouvrir le feu sur des civils innocents et désarmés et opprime une opposition née au sein même de son peuple. Mais il faut avoir la curiosité de jeter un œil derrière le voile de ces mensonges propagandistes et de ces ragots colportés par les grandes agences de presse pour constater que le président syrien doit être éliminé, comme le veulent la “communauté occidentale des valeurs” et les services secrets des puissances occidentales, à l’instar de ce qui s’est déjà passé en Libye et en Irak. Le motif n’est pas tant que la Syrie soit considérée comme un allié étroit de l’Iran, lui aussi cible de l’Occident et menacé d’une attaque par Israël ; c’est surtout parce que Damas est le dernier allié de la Russie au Levant.

    L’influence de Moscou doit être repoussée partout où il est possible de la repousser : tel est le but, non officiellement avoué, des États-Unis, puissance dont les problèmes intérieurs et l’endettement démesuré ne sont pas niables et qui perd de plus en plus de terrain en politique étrangère. Ce sont les mêmes fondations, financées par les États-Unis et d’autres puissances occidentales, qui agitent une frange de l’opinion publique en Russie contre Poutine et qui soutiennent le parti de la guerre civile en Syrie, qui veut le départ d’El-Assad. Ces fondations fournissent des armes à l’opposition armée syrienne et mettent tout en œuvre pour provoquer un changement de régime à Damas, assorti de la chute d’El-Assad et de son parti Baath, séculier et nationaliste panarabe.

    Y a-t-il en Syrie une opposition “modérée” ?

    Même au début de la mission de Nations-Unies en Syrie, la vague de violence ne s’est pas estompée dans le pays. Chaque jour des citoyens syriens perdent la vie dans les combats et dans les attentats à la bombe. On escamote bien le fait que ces victimes, souvent des femmes et des enfants, sont dues aux actions des “opposants” qui, fournis en armes et en explosifs par l’étranger, ne tiennent pas compte de la sécurité et de l’inviolabilité théorique des représentants des Nations-Unies. Récemment 2 engins ont explosé à proximité d’un hôtel de la ville d’Idlib, où logeaient des observateurs des Nations-Unies. Au moins 22 personnes ont perdu la vie lorsque des bombes ont explosé coup sur coup près de bâtiments abritant les services secrets de l’armée loyaliste et des forces aériennes. La plupart des victimes appartenaient, dit-on, aux services de sécurité.

    Le Président du Conseil National Syrien, Burhan Ghalioun, qui parle soi-disant au nom d’une “opposition modérée”, justifie l’usage d’armes contre les instances de l’État, car de telles actions relèveraient de la “légitime défense”. Pour le Conseil National, mis sur pied par l’Occident, le régime d’El-Assad est sur le point de s’effondrer. Ghalioun le “modéré” déclare à ce propos : « C’est comme un cadavre puant qui attend d’être enterré ». Tandis que la Communauté occidentale des valeurs attend manifestement qu’El-Assad dépose les armes volontairement et agite le drapeau blanc face au parti de la guerre civile, armé principalement par les États-Unis, le ministre russe des Affaires étrangères Serguëi Lavrov remarque en toute clarté que ce sont les poseurs de bombe, les paramilitaires et les terroristes de l’opposition militante qui barrent la route à tout processus de paix réellement stabilisant.

    « L’armistice annoncé selon le plan Annan et soutenu par le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas encore permis une stabilisation définitive — en grande partie parce que les groupes armés de l’opposition tentent sans cesse de commettre leurs provocations : il s’agit principalement d’attentats à l’explosif et d’actes de terreurs ou encore de tirs contre les troupes gouvernementales ou contre des bâtiments publics », — a déclaré Lavrov dans un entretien accordé à la station de télévision russe Rossiya-24. La cible de l’opposition armée serait, d’après le ministre russe des Affaires étrangères, de faire échouer le plan d’Annan, de susciter la colère de la communauté internationale et de provoquer ainsi une immixtion étrangère. Ensuite, Lavrov a mis les points sur les “i” : « Pour des raisons bien compréhensibles, nous travaillons principalement avec le gouvernement en place que nous tentons de persuader pour qu’il aille au devant des obligations strictes qu’impose le plan d’Annan ». « L’opposition, avec laquelle nous cherchons également à dialoguer se trouve, elle, en revanche, sous l’influence d’autres États », — a poursuivi Lavrov, dans une phrase apparemment anodine mais haute de signification. « De ces États, nous attendons une attitude responsable face aux obligations que le Conseil de Sécurité des Nations Unies demande de satisfaire ». 
     
    Les relations russo-syriennes

    Le partenariat qui existe entre la Syrie et la Russie relève d’une vieille tradition : il a commencé quand Damas a plutôt penché vers l’Union Soviétique après s’être débarrassé de la double tutelle française et britannique après la Seconde Guerre mondiale. Bien qu’officiellement indépendante depuis 1941, la Syrie n’a vu le départ complet des troupes françaises et britanniques qu’en 1946. Dans la foulée, le pays a été secoué par une longue série de soulèvements et de coups d’État, situation instable due surtout à la défaite arabe face à Israël en 1948 ; en 1955, Choukri al-Kouwatli, tourné vers l’Égypte nassérienne, prend le contrôle du pays et sort victorieux de la période d’instabilité. Fin 1956, il rompt les relations diplomatiques avec la France et la Grande-Bretagne, s’envole vers Moscou et obtient d’importantes livraisons d’armes de la part des Soviétiques, pour une valeur totale de 60 millions de dollars.

    La montée du chef panarabe légendaire, Gamal Abdel Nasser, en Égypte a également nourri les espoirs syriens de créer un État arabe commun. En octobre 1957, des troupes égyptiennes débarquent en Syrie ; le 1er février 1958, Nasser et Al-Kouwatli proclament au Caire la fusion en un seul État de la Syrie et de l’Égypte ainsi que du Nord-Yémen sous le nom de “République Arabe Unie” (RAU). Cette confédération a toutefois cessé d’exister en 1961 suite au putsch perpétré par un groupe d’officiers syriens. Deux années plus tard, le parti arabe-national Baath prend le pouvoir à Damas puis, à la suite de conflits internes, l’aile gauche du parti fomente à son tour un putsch en 1966 et Noureddine El-Atassi, intransigeant face à Israël, devient le chef de l’État. Le premier voyage du nouveau président l’amène à Moscou. La Syrie participe du 5 au 10 juin 1967 à la fameuse “Guerre des Six Jours” contre Israël ; elle est la dernière puissance arabe à déposer les armes mais perd les hauteurs du Golan près du Lac de Génézareth. En septembre 1967, El-Atassi préconise la fusion des “États arabes socialistes” (Égypte, Algérie, Irak et Syrie) et plaide pour la poursuite du boycott pétrolier contre l’Occident, surtout contre la Grande-Bretagne et les États-Unis. Un an plus tard commence la construction du barrage sur l’Euphrate avec l’aide financière et technique de l’URSS.

    Sous le successeur d’El-Atassi, Hafez El-Assad, le père de l’actuel président syrien, le partenariat avec la Russie s’est largement poursuivi. Entre 1979 et 1989, l’Union Soviétique a livré des armes à la Syrie afin d’obtenir une parité stratégique face à Israël. Sur le plan quantitatif la Syrie a obtenu cette parité en 1989 mais sur le plan qualitatif les systèmes d’armement soviétiques étaient inférieurs à leurs équivalents américains dont disposaient les Israéliens. Toutefois, El-Assad, pendant les 30 années de son règne, a pu établir la Syrie comme le principal adversaire d’Israël. Tirant profit du conflit Est/Ouest, il était parvenu à contrôler le Liban et à prendre une position dominante dans le monde arabe.

    Dans un entretien avec ARTE-Journal, le politologue français, expert de la Russie, Jean-Sylvestre Mongronier a résumé comme suit la longue tradition de partenariat dans les relations syro-soviétiques puis syro-russes :

    « D’un point de vue historique, le pays se sentait plus proche de l’Union Soviétique. Depuis l’indépendance réelle de 1946, la Syrie a subi un processus de radicalisation et plusieurs coups d’État ont eu lieu. Les forces nassériennes, les éléments communistes et les baathistes ont tous été à l’œuvre. En 1963, c’est le parti Baath qui commet un putsch ; en 1970, c’est au tour d’Hafez El-Assad. Le tout a toujours été accompagné d’un rapprochement avec l’URSS. Celle-ci a joué un rôle important dans la construction de l’appareil militaire syrien et dans la reconstitution de celui-ci après la “Guerre des Six Jours” de 1967. En plus, en 1980, Syriens et Soviétiques signent un traité d’amitié et de coopération. La Syrie s’endetta, comme ce fut également le cas de la Libye, sauf que les dettes de Damas étaient sensiblement plus élevées : 13 milliards de dollars. Ces dettes ont partiellement été transformées en achats d’armements ».

    Damas doit tomber !

    Occupant une place centrale du point de vue géostratégique, entre les États arabes et l’Iran, au beau milieu de plusieurs identités religieuses, la Syrie détient donc une position unique dans l’agencement du Proche Orient. Il y a plus de trente ans déjà, Henry Kissinger reconnaissait que le pays avait la capacité de prendre en charge une fonction de stabilisation au Levant. Moscou continue à entretenir des relations étroites avec le gouvernement de Bachar El-Assad, y compris sur les plans technique et militaire, car, comme auparavant, la Syrie demeure un client important de l’industrie russe de l’armement. Récemment, des contrats ont été conclus pour l’obtention de missiles à courte portée.

    Ce n’est donc pas un hasard si les “printemps arabes” ont été largement mis en scène par les États-Unis et les services secrets occidentaux. L’effervescence de ces “printemps” a ensuite été importée en Syrie car, si Damas tombe, ce sera non seulement l’allié le plus important de l’Iran, menacé par Israël, qui tombera mais aussi un partenaire de longue date de Moscou. La Russie n’est apparemment pas disposée à tolérer une hégémonie totale des États-Unis sur l’ensemble du Proche Orient et sur ses richesses minérales. Le ministre russe des affaires étrangères fait valoir l’influence qu’exerce la Russie par l’intermédiaire de la Syrie et trouve désormais les mots justes pour désigner l’opposition syrienne, qui est tout sauf pacifique car elle mène une guerre par procuration pour le compte des Américains.

    ► Alexander Frisch, DNZ, 11 mai 2012.

     

    Syrie

     

    La Turquie sur la ligne de front !

    SyrieD’après certaines rumeurs sérieuses, la Turquie s’apprêterait à se tailler, par des moyens militaires, une zone-tampon sur le sol syrien. Par une telle action, prétendent les justifications officielles, la Turquie éviterait les violations de ses frontières par l’armée syrienne et protègerait mieux les réfugiés. Mais une autre question se pose : celle de savoir si la Turquie n’envisage pas simultanément de mettre sur le dos de l’Europe le problème des réfugiés syriens. Les masses d’illégaux qui franchissent la frontière gréco-turque pour entrer sur le territoire de l’Union Européenne et la mauvaise volonté affichée par les Turcs, qui ne veulent apparemment pas coopérer avec l’UE dans cette question importante, ne nous permettent pas d’augurer du bon…

    Les Turcs prétendent donc qu’ils raisonnent en termes purement militaires et défensifs voire en termes humanitaires quand ils concoctent leurs plans de “zone-tampon” mais on peut en douter. Car depuis des années Ankara oeuvre à se créer au Proche-Orient une sphère d’influence, dont les limites s’inspirent des frontières de l’ancien Empire ottoman. Elle cherche également à se positionner comme une puissance génératrice d’ordre dont on ne pourrait plus se passer. Ankara semble désormais s’impliquer directement dans la guerre civile qui afflige la Syrie, menace d’intervenir dans le Nord : elle devient, par ce fait même, un pays de la ligne de front au Proche Orient. Elle a des frontières communes avec la Syrie, l’Iran et l’Irak; elle court donc en permanence le danger d’être entraînée dans le tourbillon des innombrables conflits de cette région en crise. Quelle que soit l’issue de la crise syrienne, qu’Al-Assad soit renversé ou non, la paix ne reviendra pas si vite dans cette région.

    Tout cela ne serait peut-être pas si grave pour nous Européens si la Turquie n’était pas depuis de longues années candidate à l’adhésion à l’UE et si des forces politiques influentes en Europe même ne plaidaient pas sans discontinuité pour l’inclusion rapide de ce pays dans les structures de l’UE. Si Ankara devient membre à part entière de cette UE, celle-ci alors serait à son tour sur la ligne de front. À coup sûr, ce n’est pas dans l’intérêt de l’Europe: voilà pourquoi il faut rompre immédiatement toutes les négociations visant l’adhésion turque.

    ► Andreas Mölzer, zur Zeit n°16/2012.

     

    Syrie

    Contre la Syrie, les armes de la subversion

    Les premières élections libres en Égypte n’ont pas amené les “libéraux pro-occidentaux” au pouvoir, mais, en dépit de cette apparente “déconfiture”, les États-Unis continuent à soutenir l’opposition syrienne 

    Les élections égyptiennes n’ont pas donné le résultat qu’attendait l’Occident depuis, qu’il y a environ un an, des dizaines de milliers d’Égyptiens manifestaient sur la Place Tahrir au centre du Caire pour obtenir la démission d’Hosni Moubarak, détenteur du pouvoir depuis 30 bonnes années. Ce ne sont donc pas les “partis libéraux” et les représentants de la “génération Facebook” qui ont été les vainqueurs des élections pour le parlement égyptien mais les formations islamistes. Le parti des Frères Musulmans, qui se pose comme “modéré”, est nettement en tête, avec 45% des votes, suivi du parti radical-islamiste Nour (Lumière).

    Les partis séculiers n’ont pas obtenu grand chose des élections législatives : jamais aucun d’entre eux n’a dépassé les 10%. Les investissements américains, effectués depuis tant d’années pour qu’un changement de régime survienne au pays du Nil, n’ont apparemment rien donné. Car en avril 2011, deux mois après la chute de Moubarak, le sous-secrétaire d’État américain Michael Posner confirmait, d’après une dépêche de l’AFP, que « le gouvernement américain avait, au cours des 2 années écoulées, mobilisé un budget de 50 millions de dollars pour développer de nouvelles technologies destinées à aider les activistes à se protéger de toute arrestation et de toute condamnation par un régime autoritaire ». Cette campagne de financement au bénéfice de contestataires portait essentiellement sur l’Afrique du Nord et le Proche Orient : fin février, une diète s’est tenue quelque part au Proche Orient, au cours de laquelle « des activistes de Tunisie, d’Égypte, de Syrie et du Liban ont participé, pour revenir ensuite dans leurs pays respectifs dans le but de former leurs camarades de combat ». 

    Posner n’a laissé planer aucun doute quant à l’importance de Facebook, de Twitter ou d’autres services procurés par l’internet, pour autant qu’ils soient mieux coordonnés en réseau ; dans ce cas, ils peuvent aider à réaliser les objectifs de Washington : « La puissance des technologies créatrices de réseaux permet d’attiser les incendies et d’obtenir, in fine, un changement politique, social et économique ». Plus particulièrement, le gouvernement américain a financé toutes les tentatives de doter les activistes des pays du monde arabe d’un accès aux technologies qui parviennent à contourner les systèmes mis en place par les gouvernements pour géner tout accès direct à la grande toile, pour empêcher que le pouvoir en place n’efface ou ne modifie les messages écrits ou parlés et pour l’empêcher aussi de s’attaquer à certaines pages d’internet. Toutefois, cette nouvelle technologie n’est pas encore parfaite au quotidien, admet Posner. Finalement, il y a encore suffisamment de lieux, en ce monde arabo-musulman, où les “activistes pro-démocratiques” ont dû être mis à disposition, comme en Syrie.

    La Syrie, où Bashar el-Assad détient le pouvoir, a connu une année de manifestations, parfois rudement réprimées. Mais le chef de l’État est toujours en place. Son pays, à côté de l’Iran, focalise pour l’instant toute l’attention des États-Unis qui veulent y voir survenir un “changement de régime”. Finalement, la Syrie, d’après les propres paroles de l’idéologue-en-chef des néo-conservateurs et ancien vice-ministre de la Défense, Paul Wolfowitz, « est devenue une composante de l’Axe du Mal », en tant qu’allié étroit de l’Iran et soutien des milices du Hizbollah au Liban voisin. Bachar el-Assad s’avère beaucoup plus dur à cuire qu’on ne l’avait imaginé : même les sanctions prises et appliquées ne l’ont pas fait fléchir. Avec habilité, il sait utiliser la Ligue Arabe à son profit, malgré qu’elle compte parmi ses membres d’importants alliés des États-Unis, comme l’Arabie Saoudite. Début janvier 2012, une mission d’observation de la Ligue Arabe a sillonné le pays, sans pouvoir constater ces entorses gravissimes aux droits de l’homme que dénoncent à qui mieux mieux l’Occident et l’opposition syrienne. On ne s’étonnera pas, dès lors, qu’un représentant de l’opposition syrienne décrit la mission d’observation de la Ligue Arabe comme un « animal édenté ».

    Les rebelles syriens seront toutefois plus heureux d’apprendre les plans concoctés par le gouvernement d’Obama. Fin décembre 2011, la revue américaine Foreign Policy révélait que le Conseil National de Sécurité des États-Unis avait décidé de « démarrer un processus informel et tranquille pour élaborer et trouver des possibilités de soutenir l’opposition syrienne ». Cette revue, considérée généralement comme bien informée, compte parmi ses rédacteurs plusieurs anciens conseillers du ministère de la Défense. Elle évoque, dans son dossier consacré à la Syrie, l’éventualité d’un soutien humanitaire et logistique à l’opposition, voire la création d’un “corridor humanitaire” ou d’une “zone de protection pour les civils”, le long de la frontière avec la Turquie. Ensuite, les stratégistes américains évoquent la nomination d’un “coordinateur spécial”, selon le modèle inauguré en Libye, pour coopérer directement avec l’opposition syrienne. 

    Toutefois, à Washington, il y a tout de même des voix critiques qui s’élèvent, surtout quand on se demande quel sera l’avenir de la Syrie après el-Assad. Ces voix critiques craignent un vide de pouvoir, des flots de réfugiés, la disparition d’armes de destruction massive et, pire, des troubles dans l’ensemble de la région. Quant à la constitution d’un corridor humanitaire, elle semble « très improbable » car, dans ce cas, il faudrait aussi prévoir une « zone d’interdiction de survol », ce qui impliquerait, en conséquence, « de déclencher des attaques de grande envergure contre les installations anti-aériennes, les postes de commandement militaire et les systèmes de contrôle de l’armée syrienne ». Il faudrait également une résolution du conseil de sécurité de l’ONU, pour créer une zone d’interdiction de survol car une telle mesure implique automatiquement de limiter la souveraineté d’un État. Or une telle résolution est fort improbable car la Chine et surtout la Russie entendent bien ne pas laisser tomber Damas.

    Comme le rapporte Foreign Policy, « le gouvernement américain, avec l’aide d’alliés comme la France ou peut-être la Turquie, devrait travailler à une justification propre pour amorcer une intervention non militaire en Syrie ». Cela ne peut signifier qu’un soutien renforcé à l’opposition, d’autant plus que le Conseil National Syrien a décidé, selon ce que nous rapporte un haut fonctionnaire du gouvernement, « d’entrer dans la phase critique de la révolution syrienne ». La semaine dernière l’opposition a fait savoir qu’elle collaborerait avec l’Armée Syrienne Libre. Si l’on se souvient de l’exemple libyen, ce serait là une coalition des forces en présence.

    ► Bernhard Tomaschitz, zur Zeit n°3/2012.

     

    Syrie

     

    La Syrie est depuis longtemps dans le collimateur des faucons néo-conservateurs

    L’objectif est d’éliminer un ennemi d’Israël !

    syrie-10.gifLe dirigeant de la Syrie, Bachar El-Assad, est mis sous pression. La Ligue Arabe a imposé des sanctions à son régime et les Nations Unies, à leur tour, entrent dans la danse. Le pays serait “au bord de la guerre civile” et la Haute Commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme, Navy Pillay, exhorte la communauté internationale à prendre “des mesures effectives pour la protection du peuple syrien”. Comme si tout ce pandémonium n’était pas encore suffisant, on apprend qu’une “Armée syrienne libre”, soit une troupe de rebelles composée pour l’essentiel de déserteurs, attaque de plus en plus souvent des bâtiments abritant des institutions de l’État syrien afin de déstabiliser le régime d’El-Assad puis de le renverser.

    Que cette “Armée syrienne libre” (ASL) soit réellement composée d’anciens soldats des forces régulières, qui auraient changé de bord,  est une affirmation plus que douteuse. Plusieurs agences de presse arabes sur internet signalent que cette “ASL”, qui prétend aligner 20.000 hommes, aurait reçu le renfort de 600 “volontaires libyens”. Si la teneur de ces dépêches s’avérait exacte, la lutte qui se déroule aujourd’hui en Syrie prendrait une toute autre dimension. En effet, on sait déjà que bon nombre de “rebelles libyens” ont été militairement formés en Afghanistan et ont des liens avec Al Qaeda et d’autres organisations islamistes. C’est par la Turquie que ces “Libyens” ont été infiltrés en Syrie. Cela paraît d’autant plus préoccupant pour nous, Européens de l’Ouest et du Centre de notre sous-continent, que la Turquie est membre, comme nous, de l’OTAN. Or elle fournit des armes aux insurgés syriens depuis longtemps et, par la force des choses, nous implique dans le conflit civil syrien.

    Qui plus est, il y a, via la Turquie, un lien entre les rebelles et Israël, État qui travaille à l’effondrement du régime d’El-Assad depuis de longues années. Dans le contexte qui nous préoccupe aujourd’hui, il est intéressant de rappeler l’existence d’un rapport rédigé en 1996 par un groupe d’études placé sous la double houlette du faucon néo-conservateur Richard Perle (surnommé le “Prince des Ténèbres”) et du Premier ministre israélien de l’époque, Benjamin Netanyahou. Ce rapport était intitulé “Une nouvelle stratégie pour sauvegarder la sécurité de l’Empire” (en anglais : Realm). Le concept de “Realm” doit se comprendre ici comme synonyme de “domination”, soit la domination américano-israélienne dans la région. Le rapport Perle/Netanyahou explique qu’il ne croit plus à une “paix générale”, concrétisée par “un coup de force décisif” mais évoque la possibilité de prendre toutes sortes de mesures pour affaiblir la Syrie, pays auquel on reproche une belle quantité de manquements. Ainsi, Damas serait impliqué dans le trafic international des stupéfiants, tenterait également de prendre le Liban tout entier sous sa coupe, soutiendrait, conjointement avec l’Iran, des organisations islamistes comme le Hizbollah, ce qui aurait pour corollaire que la Syrie “défierait l’État sioniste sur le sol libanais”.

    Richard Perle, qui était un des conseillers du Président américain George W. Bush et l’un des principaux architectes de la guerre d’agression contre l’Irak (guerre qui bafouait le droit des gens), propose la stratégie suivante : Israël pourrait « modeler son environnement stratégique en coopérant avec la Turquie et la Jordanie en affaiblissant, en endiguant et même en repoussant les Syriens ». Étape importante dans la réalisation de ce projet : “éliminer Saddam Hussein du pouvoir en Irak”, ce qui fut fait en 2003 sous le prétexte de “diffuser la démocratie dans le monde”. Une fois Saddam éliminé, les ambitions syriennes de devenir une sorte de petite puissance régionale allaient être torpillées. Nos 2 auteurs mentionnent expressis verbis la Jordanie comme partenaire : en effet, ce royaume hachémite a signé un traité de paix avec Israël ; ce qui explique sans doute que le royaume, dont le régime est fort éloigné du modèle démocratique à l’américaine, a connu la paix jusqu’ici.

    L’attitude très rigide contre la Syrie s’explique aussi par le fait que les Israéliens souhaitent annexer définitivement les hauteurs du Golan, occupées depuis 1967. Car, vu la nature du régime de Damas, il est “naturel et aussi moral” qu’Israël rejette toute solution équivalant à une “paix générale” et préfère “endiguer” la Syrie, se plaindre de son armement et de son programme d’acquisition d’armes de destruction massive, que négocier sur la base dite de la “terre pour la paix”, en ce qui concerne les hauteurs du Golan. Ce projet Perle/Netanyahou de 1996 n’est pas le seul plan imaginé pour bouleverser la région : le fameux plan Yinon de 1982 vise également l’affaiblissement de tous les États musulmans de la région. Oded Yinon, haut fonctionnaire attaché au ministère israélien des Affaires étrangères, propose, dans son mémorandum, une balkanisation de la région qui serait entièrement remodelée et où ne subsisteraient plus que des États arabes petits et moyens, afin qu’Israël puisse conserver sa prépondérance stratégique sur le long terme.

    Au nom du “retour à l’initiative stratégique” et pour donner à Israël une marge de manœuvre afin que l’État hébreu puisse “mobiliser toutes ses énergies pour reconstruire le sionisme”, les faucons israéliens insistent pour que les États récalcitrants de la région, comme l’Irak en 2003 et la Syrie aujourd’hui, soient “ramenés à la raison”. Comme Tel Aviv ne peut atteindre cet objectif seul, ou ne pourrait l’atteindre que très difficilement, les États-Unis et aussi, dans un deuxième temps, l’Europe, doivent être sollicités et entraînés dans la danse. Et finalement, ne trouve-t-on pas dans le rapport Perle/Netanyahou l’éternelle évocation des “valeurs communes” de l’Occident que partagerait, avec l’Europe et l’Amérique, la “seule démocratie” du Proche Orient.

    ► Bernhard Tomaschitz, zur Zeit n°49/2011.

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    Bashar el Assad : dernier bastion contre le néo-ottomanisme d’Ankara

    Le projet du Premier ministre turc Erdogan de faire de la Syrie aussi une “démocratie” islamo-modérée a échoué : Damas a dit “non” !

    syrie10.gifL’arabisme contre l’ottomanisme : tel est l’enjeu aujourd’hui au centre des débats au Proche Orient. Le défi est le suivant : pour être au diapason du grand projet occidental, il faudra forger une aire proche-orientale totalement rénovée et ravalée, avec partout des pays alliés à Washington, souples à l’égard d’Israël, qui, de surcroît, ne seraient plus que des réservoirs énergétiques, prompts à satisfaire les exigences de l’économie globale. Après les révolutions d’Afrique du Nord — qui ont été habilement déviées et orientées vers des objectifs fort différents de ceux qu’espéraient voir se réaliser les protagonistes premiers de ces effervescences révolutionnaires et populaires — la pièce maîtresse qui devait rapidement tomber, pour faire triompher le projet occidental, était la Syrie.

    Cependant, il s’est vite avéré impossible de renverser El Assad par une simple révolte populaire téléguidée : une bonne partie des Syriens continue à appuyer le gouvernement, surtout quand on s’aperçoit, à l’évidence, que les “manifestations pacifiques” contre le régime ne sont en réalité et dans la plupart des cas que des actes terroristes de facture islamiste perpétrés contre les autorités du pays. Damas résiste donc à toutes les tentatives de déstabilisation intérieure comme à toutes les menaces extérieures. Et Damas résiste surtout aux pressions qui voudraient faire perdre au régime ses dimensions laïques pour faire du pays une nouvelle pièce dans la mosaïque d’États islamistes modérés, qui devraient tous devenir les meilleures alliés de l’américanosphère occidentale. Le modèle que l’on suggère aux Syriens est le modèle turc et c’est justement Ankara qui s’est mis en tête de gérer cette “islamisation modérée” que l’on peut parfaitement définir comme un “néo-ottomanisme”.

    Il y a quelques semaines, le Premier ministre turc Erdogan s’est rendu dans les pays du “printemps arabe”, l’Égypte, la Tunisie et la Libye. Cette tournée diplomatique a été célébrée par les médias turcs comme une volonté d’amorcer de nouvelles relations avec les gouvernements issus de cette “révolution”, dans l’optique de réaménager les équilibres au Proche Orient. Au même moment, Erdogan a changé de ton vis-à-vis de la Syrie et, quelques jours plus tard, en marge de l’Assemblée Générale des Nations Unies à New York, il a, lors d’un entretien avec Obama, officialisé le “changement de front”, en annonçant « qu’il avait bloqué les pourparlers entamés avec Damas » et qu’il était désormais prêt à participer aux sanctions que l’on imposerait à la Syrie.

    Mais ce ne sont pas les violences présumées que l’on attribue au régime syrien qui ont poussé Erdogan à se ranger contre un ancien allié de la Turquie, posé désormais comme ennemi. Il s’agit bien plutôt du “non” catégorique qu’a opposé Bashar El Assad au projet turc de subvertir subrepticement le caractère laïque de la république arabe syrienne. C’est au cours du mois de juin 2011 que la rupture réelle a eu lieu, quand « le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a proposé au Président syrien Bashar El Assad de réserver un quart voire un tiers des postes de ministre dans son gouvernement aux Frères Musulmans et d’user alors de toute son influence pour mettre un terme à la rébellion, si Assad s’exécutait ». Erdogan a essuyé un refus clair et net. C’est ce qu’a révélé un diplomate occidental à l’AFP, du moins d’après ce que rapportait, vendredi 30 septembre, le quotidien libanais en langue anglaise, The Daily Star.

    Cette nouvelle a été confirmée par un autre diplomate européen, qui a, lui aussi, préféré garder l’anonymat : « Les Turcs, dans un premier temps, proposèrent que les Frères Musulmans occupassent 4 ministères importants, en arguant que les Frères sont une partie importante du paysage politique syrien ». Les Frères Musulmans, en réalité, ont été mis hors la loi en Syrie dès 1980, à la suite d’une campagne terroriste particulièrement sanglante que leurs affidés avaient menée à cette époque-là ; aujourd’hui, ils font partie de ceux qui, ouvertement de l’extérieur et clandestinement depuis la Syrie elle-même, sèment la terreur dans toutes les régions du pays. Le 9 août 2011, le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a indirectement confirmé l’alliance de facto entre les Frères et les néo-ottomans turcs en confiant au Président syrien un message écrit par le Président turc Abdullah Gül, dans lequel ce dernier explique qu’avant de former le parti pour la Justice et le Développement, actuellement au pouvoir à Ankara, il avait appartenu à une organisation proche des Frères Musulmans. Dans un débat face à face avec le Président syrien, Davutoglu a, une fois de plus, « réclamé le retour des Frères Musulmans en Syrie ». El Assad a répondu qu’à titre individuel, certains Frères pourraient récupérer leur citoyenneté syrienne mais ne pourraient pas se constituer en parti politique parce qu’un tel parti serait basé sur « des principes religieux incompatibles avec le caractère laïque de la Syrie ».

    Revenu en Turquie, dès son débarquement à l’aéroport d’Ankara, Ahmet Davutoglu, bien loin de révéler le contenu de ses discussions avec El Assad, a lancé un ultime message à Damas : « Nous espérons que certaines mesures seront prises dans les prochains jours pour mettre fin aux effusions de sang et pour ouvrir la voie à un processus de réformes politiques ». Vingt jours plus tard, le 28 août 2011, le Président turc Gül affirmait qu’Ankara avait « perdu confiance » en la Syrie. Peu de temps auparavant, lors d’une rencontre avec une délégations des associations chrétiennes du Moyen Orient, El Assad avait déclaré — et ses déclarations avaient été répercutées par de nombreux médias — « qu’il avait refusé que l’ottomanisme se substitue à l’arabisme et qu’Ankara redevienne le centre majeur de décision pour le monde arabe ». El Assad répétait ainsi son opposition à toute participation des partis religieux dans la politique syrienne, parce que « cela permettrait aux Frères Musulmans, qui ont un siège à Ankara, de contrôler toute la région ». Toutes les démarches qui ont suivi vont dans le sens d’un rejet par l’alliance américano-turque de ce laïcisme arabiste : les sanctions prises par la Turquie contre Damas ; la Syrie devenue un pays ennemi de l’Occident car trop laïque pour s’insérer dans le nouveau Moyen Orient islamo-modéré voulu par Washington et les projets atlantistes.

    ► Alessia LAI. (article paru dans Rinascita, 1 & 2 oct. 2011)

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    Une journaliste italienne : Washington encourage la violence en Syrie

    Rome, 01 octobre 2011 :  La journaliste italienne Alessia Lai s’est étonnée des déclarations de Mark Toner, porte-parole du Département d’État américain, dans laquelle il justifiait le recours des opposants en Syrie à la violence contre les forces de l’ordre et l’armée.

    flag-s10.jpgDans une analyse publiée hier par le quotidien italien Rinascita sous le titre « Washington encourage la violence en Syrie », la journaliste italienne a indiqué que les déclarations américaines s’étaient faite simultanément avec les actes de meurtre perpétrés par les groupes armés contre des innocents syriens, civils et militaires. « Washington déforme la démocratie et justifie la violence pour servir ses objectifs », indique Mme Lai qui évoque dans ce sens la négligence par le média occidental de parler des personnes armées qui terrorisent et tuent les innocents et les civils. La journaliste Lai a mis l’accent sur les armes trafiquées par les groupes armés « qui voulaient transformer la Syrie en Émirat façonné par l’Amérique », soulignant que ces armes déployées dans nombre de villes syriennes ont été utilisées par les groupes armés pour assassiner des académiciens et des officiers.

    La journaliste a évoqué la réaction courroucée des Syriens pour la visite hier de l’ambassadeur des États-Unis au bureau de l’un des avocats au centre de Damas, soulignant que cet avocat, un opposant, était dans son bureau, il n’était ni emprisonné ni torturé par les forces de police. La journaliste a fait noter que les visites de provocation des ambassadeurs des États-Unis et de la France dans des villes syriennes visaient à présenter le soutien à tout opposant du gouvernement syrien. (Source)


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