• Riehl

    riehl_10.jpgWilhelm Heinrich Riehl (1823-1897)

    Riehl reprend l'idéal de la nature mis en avant par la vague romantique allemande en l'associant à une vision apocalyptique. Il dénonce en premier lieu les désordres économiques et sociaux de 1848 et il affirme que l'industrialisation détruit la nature. Suite à ces travaux, une littérature populaire du terroir commence à se développer en Allemagne et rencontre un grand succès.

    Il y a 170 ans, W. H. Riehl naissait, le 6 mai 1823, à Bieberich dans le pays de Hesse, aux environs de Giessen. Je m’étonne que son nom ne soit plus cité dans les publications conservatrices ou dextristes. Récemment, la très bonne revue allemande Criticón a consacré un article à Riehl. En 1976 était paru, dans une collection de livres publiés par l’éditeur Ullstein, le texte Die bürgerliche Gesellschaft [La société civile], un des plus importants écrits socio-politiques de notre auteur, paru pour la première fois en 1851.

    Avant de traiter de l’œuvre de cet auteur zélé et fécond, nous retracerons en bref sa biographie, ce qui s’avère nécessaire pour la situer dans le temps et dans la société.

    Riehl a suivi l’école primaire à Bieberich, le lieu de sa naissance, après quoi il fréquenta le Pedagogium de Wiesbaden. En 1837, il s’inscrit au Gymnasium de Weilheim. En 1839, son père se suicide, parce qu’il estimait être une victime de l’arbitraire bureaucratique. Riehl voulait étudier la théologie et devenir prédicateur évangélique, contre la volonté de son père, qui, en tant qu’homme de confiance des Ducs de Nassau et d’intendant de leur château, avait quelque connaissance du monde, grâce aux voyages qu’il avait entrepris. Riehl se trouvait tout à la fois sous l’influence des théories de son père, un rationaliste et un adepte des idées de 1789, et sous celles, traditionalistes, de son grand-père, Grand Maître de Maison auprès des Nassau. C’est ainsi que l’on peut expliquer la position intermédiaire qu’il prendra, entre l’ordre ancien d’une communauté d’états (Stände) et la problématique d’un dépassement révolutionnaire de ces vieilles structures, ce qui donnera un “conservatisme réflexif”.

    En 1841, il débarque à l’Université de Marbourg. Son intérêt pour l’histoire culturelle s’y éveille. De Marbourg, il ira à Giessen car l’université de cette ville se trouvait plus près de Bieberich ; ce seront surtout des considérations financières qui le forceront à prendre cette décision. À Giessen, il se lie d’amitié avec Michael Carrière, un ami de Bettina von Arnim, égérie du “Cercle des Romantiques”. Le romantisme, avec la sympathie qu’il cultivait pour le moyen âge, avec sa vision artistique mais aussi sociale et économique sur l’histoire, sur le caractère national et sur la “populité”, va s’emparer de la pensée de notre auteur, même s’il s’était auparavant familiarisé avec les pensées de Kant et de Hegel, par l’intermédiaire de ses professeurs de Marbourg et de Giessen. Plus tard, il aurait dit qu’il avait des dispositions trop nettes pour le réalisme et ne pouvait dès lors pas s’enfermer dans un système philosophique.

    Après Giessen, il s’en va à Tübingen, une université où les Jeunes Hégéliens donnent le ton. Dans les textes qu’il rédige à l’époque, il salue avec passion le succès de la Révolution de Juillet en France, en 1848. Sa position politique, à ce moment, n’est pas unilatéralement révolutionnaire, selon Geramb (Bibliographisches Jahrbuch, 1900) mais témoigne bel et bien d’une liberté de pensée et d’esprit, surtout dans le domaine religieux. L’influence des Jeunes Hégéliens et de l’esprit libéral de cette époque se perçoivent clairement chez lui ainsi qu’un sens résolument national, opposé à toutes les idées cosmopolites. À l’automne 1843, Riehl avait passé l’examen de théologie à Herborn et avait obtenu des subsides pour poursuivre ses études. Ce qu’il fera à Bonn, où, notamment, le fougueux nationaliste démocrate Ernst Moritz Arndt dispensait ses leçons. Finalement, il abandonnera les études de théologie pour se consacrer entièrement à l’étude du peuple et des structures que celui-ci génère, dans la continuité anthropologique qu’il représente. Il finit par admettre que l’État constitue le « peuple organisé » et qu’il existe « pour la volonté du peuple ». Pour gagner son pain, il se fait journaliste dans les colonnes du journal libéral-conservateur Oberpostamts-Zeitung de Francfort entre 1845 et 1847. À partir de 1847, il devient rédacteur auprès de la Karlsruher Zeitung, puis directeur du Badische Landtagsbote.

    La révolution de 1848 impulse un tournant à son développement intellectuel. D’après lui-même, ce fut l’année où il devint conservateur en pleine conscience. Il quitte Bade et revient à Wiesbaden. Il y fonde la Nassauische Allgemeine Zeitung et devient aussi le cofondateur du Parti démocrate-monarchiste. Pendant un bref laps de temps, il dirigera le Théâtre de la Cour à Wiesbaden. La conséquence de tout cela fut une prise de distance avec la politique et avec le journalisme : il quitte son poste de rédacteur en 1850. Il commence alors les études qui le conduiront à rédiger Die bürgerliche Gesellschaft. Même s’il a quitté la politique, il y revient indirectement par le biais de ses études culturelles. Il publie dans un ouvrage en 4 volumes, Naturgeschichte des Volkes, les études qu’il avait fait paraître dans les journaux ainsi que quelques travaux de circonstances.

    En 1851 parait la première édition de Die bürgerliche Gesellschaft et, 3 ans plus tard, Land und Leute (Le pays et les gens). Die bürgerliche Gesellschaft avait pour intention première de décrire le peuple dans tous les liens qu’il tisse, dans tous ses “états”, mais détaché de toute particularité locale. Dans Land und Leute, au contraire, il s’efforcera de pénétrer dans toutes les particularités et les différences locales et régionales du peuple. « Au départ des relations individuelles du pays et des hommes se développe l’abstraction culturelle/historique de la société bourgeoise/citoyenne », écrit-il. Le Roi Maximilien II de Bavière est vivement impressionné par ce travail. Il appelle donc Riehl à ses côtés.

    Riehl devient ainsi membre du Cabinet littéraire puis est admis dans le Symposium, sorte de table ronde autour de la personne du Roi, où siègent déjà, entre autres illustres personnages, Liebig, Bodenstedt, Geibel et Kaulbach. Au cours de cette même année 1853, il obtient un poste honoraire de professeur à l’Université de Munich. Il avait déjà été nommé responsable des relations avec la presse pour la Maison Royale et pour le Ministère bavarois des affaires étrangères. Son discours inaugural à l’Université était consacré à l’ethnographie : il y déclara que la richesse et la diversité de la nature, des paysages et des sols dans les Allemagnes d’alors dépendait de la formation individuelle au sein du peuple allemand et que, pour cette raison, l’Allemagne devait impérativement viser son unité politique, sans toutefois sombrer dans les affres d’un unitarisme centralisateur. Les activités de Riehl se mesurent au nombre de ses conférences et des lieux qu’il a visités — plus de cent — et au nombre de personnes qui sont venues l’écouter : environ 300.000.

    En 1857, Riehl, avec Felix Dahn, prend en charge un important travail d’ethnographie et de topographie : les Bavarica. En 1860 parait le volume consacré à la Haute Bavière (Oberbayern) et en 1863 un volume sur le Haut Palatinat (Oberpfalz) et la Souabe. En 1873, il est promu recteur de l’Université de Munich et en 1883 il reçoit un titre de noblesse. En 1885, il est nommé directeur du Musée National Bavarois et conservateur général des bâtiments et monuments classés de Bavière. En 1894, l’année où meurt sa femme, il écrit son dernier livre, Religiöse Studien eines Weltkindes. Deux ans plus tard, notre philosophe, à moitié aveugle et fort affaibli, épouse Antonie Eckhardt, qui le soignera jusqu’à sa mort, le 16 novembre 1897.

    riehl10.jpgRiehl est le père de l’ethnographie scientifique. Il nous a aussi laissé un testament politique. Ses critiques disent que ce testament, qui insiste sur le concept social d’état (Stand), ne tient pas compte des nouvelles formes d’organisation de la société industrielle. Selon Riehl, les peuples, dans leur diversité, sont un produit de différences et de caractéristiques de nature ethnique, historique ou naturelle/territoriale. Pour lui, les noyaux naturels (la famille, la tribu, le peuple/Volk) reçoivent une sorte de primauté. Ils revêtent une signification plus profonde que l’État. Les liens familiaux et tribaux sont plus anciens que la conscience individuelle ou la conscience d’appartenir à un État, c’est-à-dire plus anciens que les formes créées par les individus ou par les États. L’importance qu’il assigne à la famille se voit encore soulignée par le fait qu’il y consacre un volume entier de son œuvre principale, Naturgeschichte.

    Ses conceptions socio-politiques sont dominées par l’idée de 2 forces qui influencent toute la vie sociale : la force de maintenir (Macht des Beharrens) et la force du mouvement ; c’est-à-dire une force conservatrice et une force révolutionnaire. Les forces conservatrices sont représentées par la paysannerie et l’aristocratie. Les forces du mouvement par la bourgeoisie et par le quart-état. Parmi les forces du mouvement, Riehl compte aussi le prolétariat, à côté de la bourgeoisie. Mais son concept de prolétariat est totalement différent de celui de Marx. Il est “le stade de la chute” et “l’état d’absence d’appartenance à un état”. Les ressortissants du prolétariat sont ceux qui se sont détachés ou ont été exclus des groupes existants de la société. Ils se sont alors déclarés “véritable peuple” et c’est dans cette proclamation tacite qu’il faut voir l’origine de toutes les tentatives d’égalitarisme.

    On peut certes rejeter la division de la société en “états”, que propose Riehl, comme étant en contradiction flagrante avec les réalités sociologiques de la société moderne. Mais on ne peut pas non plus considérer que Riehl est un théoricien borné, dont la pensée s’est figée sur les rapports sociaux préindustriels. Il s’est efforcé de partir du donné réel pour affronter une société en train de se moderniser et de comprendre celle-ci à l’aide de concepts conservateurs-sociaux (cf. Peter Steinbach, Introduction à Die bürgerliche Gesellschaft).

    La tentative de classer les strates sociologiques de la société selon des forces fondamentales, telle les “états”, pour les opposer au concept de classe selon Marx, s’est manifestée également après Riehl. Ferdinand Tönnies a défini la société comme une “Communauté” (Gemeinschaft) et comme une “Société” (Gesellschaft) tout à la fois. La première consiste en un ordonnancement selon des caractéristiques et des liens naturels (famille, tribu, peuple) ; la seconde selon des appartenances changeantes et interchangeables (classe, parti, travail, profession, etc.). À côté du cosmos naturel de la vie du peuple, Riehl a placé la nature proprement dite sur un pied d’égalité avec la culture et a suggéré qu’il fallait la conserver, la défendre, car c’était une nécessité incontournable. Le mouvement de préservation de la nature, le mouvement pour la Heimat (en Allemagne et en Suisse, ndt), le mouvement de jeunesse Wandervogel, entre 1890 et 1914, ont trouvé chez Riehl des idées d’avant-garde (ainsi que nos mouvements verts, avec trois quarts de siècle de retard !). Ernst Rudolf se réclame de Riehl à plusieurs reprises, notamment dans “Heimatschutz” (Berlin, 1897). En dénonçant la destruction du patrimoine forestier allemand, il soulève une question éminemment conservatrice, en réclamant un droit propre à la nature. Sa critique de l’urbanisation outrancière doit également être lue à la lumière des travaux de Riehl.

    Riehl avait ses défenseurs et ses critiques. Grimm se basait sur ses écrits, par ex. pour expliquer la différence essentielle entre Schiller et Gœthe. Marx en revanche considérait que les conceptions sociales et politiques de Riehl constituaient « une injure au siècle du progrès ». Treitschke aussi s’attaqua à la conception organique du peuple chez Riehl et surtout contre sa vision de la société divisée en “états” : « il n’y a pas plus d’états naturels qu’il y a un état de nature », écrivait-il dans sa thèse universitaire. Riehl eut un admirateur en la personne de Tolstoï. Leo Avenarius le nommait le Altmeister der Wanderkunst (le vieux maître en l’art de pérégriner) et avait chaleureusement recommander la lecture de ses Wanderbücher à la jeunesse du Wandervogel.

    Riehl fut honoré dans l’Allemagne nationale-socialiste : cela s’explique pour maintes raisons mais ne signifie rien quant à ses options véritables. Jost Hermand, dans son ouvrage Grüne Utopien in Deutschland (Utopies vertes en Allemagne), écrit, entre autres choses : « Riehl avait la ferme conviction qu’une industrialisation et une urbanisation croissantes, avec pour corollaire la destruction du fond paysan, devaient immanquablement conduire à une “dégénérescence de la nature” ».

    Le conservatisme de Riehl, avec son idée centrale de conservation de la nature et de la culture et son rejet principiel de l’individualisme libéral et de la pensée libérale qui ne raisonne qu’en termes de déploiement de puissance matérielle, font de l’auteur de Die bürgerliche Gesellschaft, un philosophe qui, au début de l’ère industrielle, théorisait non pas l’ère pré-industrielle, mais l’ère post-industrielle. Il pensait donc ses idées parce qu’il avait préalablement investiguer les racines mêmes du peuple, les avait décortiquées et en avait conclu, après observation minutieuse et reconnaissance des données naturelles, qu’il fallait protéger et la nature et la culture populaire.

    ► Jos Vinks, Dietsland Europa n°5/1994, Anvers.

    ◘ Prolongements :


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    pièce-jointe :

     

    picto-10.gif Du populaire comme secrète résistance aux puissants

    mtst3110.gifLa passion littéraire et artistique, qui en­flamme les beaux esprits de Rome, de Florence ou de Paris, a moins de prise sur l'esprit labo­rieux des humanistes allemands. On produit plus de lexiques, de grammaires, de commentaires savants que d'œuvres de poésie et de style. On se contente, en fait de latinité, de ce qui est néces­saire pour l'usage commun. On ne dépasse guère une honnête moyenne. Même lorsque l'antiquité sera mieux sentie, mieux goûtée, plus librement et plus heureuse­ment imitée, l'érudition philologique n'en conti­nuera pas moins son œuvre. Elle se développera, s'enrichira dans tous les sens, perfectionnera ses méthodes. Elle deviendra une science et une des gloires de l'Allemagne.

    Ce goût exclusif de l'érudition qui, dans l'étude de l'antiquité, sépare la forme du fond, la philo­logie de la littérature, explique en partie pour­quoi la Renaissance n'a pas eu sur la littérature nationale la même action que dans d'autres pays, par ex. en Italie et en France. Là, nous voyons l'antiquité étudiée non seulement pour elle-même, mais dans un intérêt patriotique, pour vivifier, pour féconder le génie littéraire de la nation. Il se produit alors une fusion entre le génie antique et le génie moderne, et de cette union féconde est née une littérature nationale par la pensée qui l'inspire, par l'esprit qui l'a­nime, classique par la beauté et la perfection de la forme.

    till_e10.jpgCette pénétration du génie antique et du génie moderne ne s'accomplit pas en Allemagne au même moment heureux et fécond où nous la voyons s'accomplir ailleurs. Et cependant la lit­térature populaire allemande ne manquait ni d'originalité ni de richesse. Elle n'avait plus, il est vrai, le souffle lyrique de l'époque des trouba­dours ni la grandeur épique des temps héroïques du Moyen Âge. Au XIVe siècle déjà, par suite de la décadence de la chevalerie et de la prospérité croissante des villes, la poésie cesse d'être aris­tocratique. Elle devient bourgeoise et populaire, satirique et didactique. L'observation malicieuse, le bon sens railleur et gouailleur y dominent. Le conte en prose remplace la vieille épopée chevaleresque (1), la chanson populaire, les chants d'amour des Minnesänger. Ce n'est plus dans les châteaux, à la cour des princes, au milieu des cercles élégants de chevaliers et de nobles dames, c'est dans la rue, sur la place publique, dans l'atelier et dans l'auberge, que se débitent les contes drolatiques, les anecdotes satiriques, les farces, les chansons d'étudiants, de soldats et d'ouvriers, où l'esprit, l'imagination et l'humour populaires se donnent libre carrière. Cette lit­térature est déjà vivace au XVe siècle. On y voit la réaction du bon sens naturel, de la conscience populaire contre les défauts, les travers, les vices des gens en place, des grands et des puissants du jour. Mais l'esprit réformateur et révolutionnaire qui souffle partout au XVIe siècle donne à cette poésie populaire une vie nouvelle et un inépui­sable aliment.

    Nous la voyons dans les récits, les contes et les recueils d'anecdotes de l'époque (2), dans les pamphlets, dans les satires volantes (Flugschriften) en prose et en vers (3) et jusque dans les ser­mons des prédicateurs, se répandre en saillies, en inventions comiques, en traits de satire et de plaisanterie, en invectives et en peintures d'une hardiesse et d'une liberté qui ne connaissent au­cun frein, qui ne respectent aucune convenance ; avec une gaîté licencieuse et ordurière, mais ro­buste et saine, inspirée presque toujours par un sens honnête et droit, par un profond besoin de justice. Ces récits burlesques, ces épopées popu­laires (4) ont leurs héros qui représentent en traits grossiers, à peine ébauchés, mais avec une vérité et un naturel qu'un art plus parfait serait impuis­sant à rendre, la bêtise naïve et ignorante, plus sensée au fond et plus avisée que la sagesse offi­cielle, titrée et patentée.

    dyn00510.jpg« Dès que s'éteint la poésie romantique du Moyen Âge, l'opposition entre l'homme du commun et l'homme de qua­lité prend vie dans la littérature. Les chants po­pulaires et les contes populaires prennent la place des poésies et des récits héroïques. Ce sont les fous qui prêchent la sagesse. Dans la gaîté hu­moristique de ses farces et de ses chansons moqueuses, le peuple se reconnaît dans son ori­ginalité et dans sa force natives. Eulenspiegel de­vient le prophète de la révolution sociale (5). La littérature des rustres (grobianische Literatur), dans laquelle le peuple, pauvre, méprisé, op­primé, est représenté comme le vrai peuple, jette un défi provocant à la poésie des cours et de la chevalerie et tombe dessus victorieusement à coups de trique. Une partie du peuple devient ainsi sujet de poésie. La divine grossièreté de la langue et des mœurs du manant doit prouver sa puissance poétique.... Ces personnages pris dans la rue, à la physionomie vulgaire, qui forment dans les images religieuses et historiques le chœur typique du peuple, se placent maintenant au premier plan des poésies didactiques et satiri­ques, comme une légion vengeresse qui a le cou­rage et la force de réparer les injustes mépris des princes, des chevaliers et des moines, non seule­ment dans l’art, mais dans la politique. » (Riehl, Land und Leute, Stuttgart, 1861)

    Mais, comme le remarque l'auteur que je viens de citer, dans cette littérature populaire du XVIe siècle, le peuple devient lui-même objet d'obser­vation et de raillerie satirique. Les écrivains de cette époque analysent le peuple comme un être de la nature, non pas encore au point de vue po­litique, mais seulement moral et didactique (Ibid.).

    ► Émile Grucker, Histoire des doctrines littéraires et esthétiques en Allemagne (I : Opitz, Leibniz, Gottsched, Les Suisses), 1883-1896.

    • Notes :

    1. Par ex. les Histoires de l'Empereur Octavien, de la Belle Mélusine, des quatre fils Aymon, de Fortunatus.
    2. Par ex. Schimpf und Ernst, par le moine franciscain Jean Pauli, l'ami de Geiler von Kaysersberg, paru en 1522, à Stras­bourg ; Rollwagenbüchlein, de Joerg Wickram (1500-1562). Fatzbüchlein, l557 ; Rastbüchlein, 1588 ; Lindener, Katzipori, Kirchhof, Wendunmuth. Voyez aussi un recueil récent : Deutscher Humor alter Zeit, von Heinrich Merkens, Würzburg, 1879, et le volume intitulé : Schwänke des sechzehnten Jahrhunderts dans la collection Gœdeke et Titt­mann.
    3. Parmi ces feuilles volantes suscitées par le mouvement réfor­mateur on rencontre déjà par-ci par-là des récits et même des ap­préciations d'événements contemporains, appelés Zeitungen. La première parut en 1505 à Augsbourg par les soins des Fugger. Ce serait là la première origine du journalisme en Allemagne. Mais ce n'est qu'en 1566 qu'on voit paraître des feuilles suivies et numé­rotées (Scherer, Geschichte der deutschen Literatur, Livraison 4e).
    4. Par ex. l'Histoire des Bourgeois de Schildburg, ou le Lalenbuch, 1598.
    5. Outre Till Eulenspiegel, on peut citer encore le Curé de Kahlenberg, le Finkenritter, ancêtre du baron de Münchhausen, et le fameux Hanswurst, personnage obligé de tous les drames et farces du temps.


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