• La Résistance révisée

    « Et dans cette nuit de Provence, dans la maison au milieu des oliviers, parmi le joyeux bruit des enfants, je songeais que les lieux de bonheur et de paix ne peuvent éclore et durer si ne se dresse en eux la détermination virile de les défendre. Les lieux de paix ne survivent que par les vertus exigées dans la guerre. » (Dominique Venner, Le cœur rebelle, 1994)

     

    • Recension : Dominique Venner, Histoire critique de la Résistance, Pygmalion/Watelet.

    • Du même auteur : Histoire de la collaboration, Pygmalion, 780 p.

    dvenne10.jpgDominique Venner était plus que qualifié pour retracer tout au long d'une brillante synthèse ce que fut réellement la Résistance française à l'occupation allemande. Tant de témoignages hagiographiques, tant de livres aux intentions suspectes ont été publiés qu'un nettoyage s'imposait. Et Venner, qui a connu le feu et la prison avant de devenir un historien chevronné (voir Baltikum, ses livres sur les armes et sa belle revue, Enquête sur l'Histoire [aujourd'hui la NRH]), est bien the right man in the right place. François de Grossouvre, ce conseiller très spécial de Mitterrand qui se suicida dans son bureau de l’Élysée pour encore mieux marquer le mépris infini que lui inspirait le premier menteur de France et sa clique, avait d'ailleurs encouragé l'ancien activiste dans cette tâche salubre.

    Venner rend l'hommage qui convient à un homme parti debout et qui retrouva le geste des héros de l'ancienne Irlande ou de l'lnde védique : la mort volontaire comme ultime gifle à l'ennemi indigne. Grossouvre avait confié à Venner, au cours de multiples rencontres à l’Élysée, que « ce qui fut affreux pour la France après la Libération, c'est le refus de réconciliation du Général de Gaulle avec ceux qui avaient cru placer leur confiance dans le Maréchal Pétain ». Il avait ajouté : « Pendant que les purs patriotes se battaient, les communistes et les ambitieux prenaient les places, réglaient leurs comptes, éliminaient leurs adversaires, devenaient les nouveaux maitres ». Avec pareil mentor, authentique résistant, Dominique Venner ne pouvait, avec son talent et sa combativité, que bouleverser la vision manichéenne des années sombres. Car le plus horrible, dans cette période tragique, c'est précisément cette impitoyable guerre civile que se livrent des Français, souvent au service de l'étranger (anglais, allemand, américain ou soviétique).

    Le jeu d'Albion et les erreurs de Hitler

    Venner révèle toutes les ambiguïtés, les mensonges sur lesquels repose encore le régime actuel. Pour ce faire, il a rencontré de grands acteurs du drame : Rémy, Frenay, Fourcade, etc. Et surtout il a réuni une masse étonnante de témoignages passés sous silence. Les deux premiers chapitres analysent très lucidement les causes de cette seconde Guerre civile européenne : le jeu nuisible à notre continent de la puissance anglo-saxonne (et de son futur maître américain) est parfaitement expliqué. Pour les USA, les vues hégémoniques sur l'Europe remontent à 1911 au moins… Les nombreuses erreurs fatales tant de l'État-Major allemand sont révélées ainsi que celles de Hitler, qui apparaît ici piètre politique. Si 200.000 Anglais et 100.000 Français ont pu rembarquer à Dunkerque, c'est parce que Hitler désirait encore signer une paix rapide avec l'Angleterre pour pouvoir faire face à Staline. Erreur ahurissante de naïveté politique que de s'attendre au moindre cadeau venant de Londres, qui en acceptant pareille paix, aurait signé son arrêt de mort ! Autre erreur monumentale : avoir laissé à la France de Vichy son empire, sa flotte (les Anglais s'en chargeront) et ses troupes coloniales. En fait, l'armistice de 1940 est une défaite allemande sur le plan politique… et le fin renard est ici Pétain. Mais, le livre de Venner, s'il reconsidère le rôle du Maréchal, ne verse pas pour autant dans l'hagiographie larmoyante.

    Les causes morales de la défaite française de 1940

    Venner s'étend sur les causes de la défaite de 1940 : 100.000 tués en 42 jours de retraite quasi ininterrompue, un pays plongé dans le chaos, un régime effondré. La thèse, rassurante, de l'infériorité matérielle est balayée. Non, la défaite est d'ordre philosophique et idéologique : la IIIe République, qui apparait comme le pire des régimes subi par le peuple français (né et mort d'une défaite, quel symbole !), n'a préparé ni ses cadres ni ses hommes à faire preuve des qualités guerrières indispensables à toute victoire. Officiers encroûtés et conformistes (les bandes molletières !), troupe veule et hyper-individualiste ("J'ai ma combine") : on peut parler d'un effondrement biologique, d'une défaite totale car causée par un manque et d'intelligence et d'instinct. Le philosophe Alain, penseur quasi officiel de ce régime vermoulu, ne s'exclame-t-il pas en 1940 : « J'espère que l'Allemand vaincra ; car il ne faut pas que le genre de Gaulle l'emporte chez nous. Il est remarquable que la guerre revient à une guerre juive ; c'est-à-dire une guerre qui aura ses milliards et aussi des Judas Macchabée » (paroles terribles pour un chantre de l'idéologie républicaine, très éloigné du fascisme en vogue à l'époque). Paul Claudel, qui n'est pas davantage fasciste, le 24 septembre 1940, va encore plus loin : « Ma consolation est de voir la fin de cet immonde régime parlementaire qui, depuis des années, dévorait la France comme un cancer généralisé. C'est fini… de l'immonde tyrannie des bistrots, des francs-maçons, des métèques, des pions et des instituteurs… » (!!).

    Quand Vichy préparait la revanche

    venner10.jpgC'est pourtant dans les milieux les plus hostiles au régime parlementaire que se recrutent, dès l'été 40, les premiers chefs de réseaux actifs : cagoulards, royalistes et autres lecteurs fanatiques des Réprouvés de von Salomon. Les communistes, à ce moment, bougent peu, ordres du PC obligent ; seuls quelques-uns désobéissent et planquent des armes en attendant de les utiliser. Les premiers groupes de renseignement et d'action sont tous issus du personnel administratif et militaire de Vichy, et couverts par le Maréchal. Vichy prépare en fait la revanche, tout comme l'Allemagne d'après Versailles. Ainsi Pucheu, Ministre de l'Intérieur de Vichy (fusillé après une parodie de procès à Alger) rencontre Henri Frenay, l'un des grands résistants, et cela à deux reprises en 1942. De même, la fantastique évasion du Général Giraud, qui rendra Hitler furieux, a été préparée à Vichy, au plus haut niveau. Pétain reçoit même l'illustre évadé à déjeuner.

    Venner montre bien qu'en 42-43, résister ne signifie pas obligatoirement s'inféoder au clan gaulliste ou communiste. Comme information étonnante, Venner cite aussi le cas Canaris, chef de l'Abwehr, qui trahit son pays, manipulé par les Anglais : « Au-dessus de l'Allemagne, il y a la Chrétienté. Cela vaut bien un million d'Allemands », dira-t-il pour se justifier. Effarante naïveté, surtout de la part d'un officier de renseignement ! Autre élément bien analysé : la difficulté éprouvée par les polices allemandes et françaises pour infiltrer l'underground communiste, composé d'apatrides réfugiés : Espagnols et juifs d'Europe orientale, milieu qui servira de vivier aux groupes terroristes du PC (la MOI, etc). En quelque sorte, les banlieues de l'époque, déjà quasi imperméables. Le jeu des communistes est bien analysé. Les camarades d'Aragon (« Nous sommes les défaitistes de l'Europe. (…) Nous sommes ceux qui donnent toujours la main à l'ennemi ») attendent sagement les ordres de Moscou pour résister, c'est-à-dire juin 41. Dès cette date, ils se lanceront dans une politique d'attentats sanglants, dans le but de déclencher une répression impitoyable. Ils suivent en cela les directives de Churchill : Mettez l'Europe (continentale) à feu et à sang ! Mais n'oublions pas que Molotov, le 18 juin 1940, adresse à Hitler « les plus chaudes félicitations du gouvernement soviétique pour le succès splendide des forces armées allemandes ». Splendide en effet : la Wehrmacht entre dans Paris… Le médecin Thierry de Martel, ami de Drieu la Rochelle, se tue. Peu après L'Humanité reparaît et Elsa Triolet publie. Il y aurait encore bien des pages à citer de ce livre exemplaire de courage intellectuel. Venner, tout en exaltant à juste titre l'esprit de résistance, remet les pendules à l'heure en démontrant que toute une caste politico-médiatique, celle de la IIIe République, a annexé sans vergogne une Résistance largement mythifiée. Les vrais, les purs, sont morts ou se sont tus, dégoûtés par ce vacarme que nous subissons depuis un demi-siècle. Leur avoir rendu la parole, et leur honneur, est une belle œuvre.

    ► Patrick Canavan, Vouloir n°134/136, 1996.

     

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    France militaire et résistante

    « La participation française à la défaite de l’Allemagne nazie demeure méconnue, ignorée et méprisée. Il est un lieu commun de dire que les Français aiment à se dénigrer eux-mêmes. Le réductionnisme et le manichéisme n’ont cessé de progresser ces dernières années dans le domaine historique. L’historiographie anglo-américaine, souvent prise comme source de référence par certains auteurs nationaux, ne relate que très rarement les faits d’armes accomplis par les Français en 1939-1945 ». Ainsi commence l’avant-propos de Dominique Lormier à son Histoire de la France militaire et résistante. Le premier volume traite de la période 1939-1942.

    Dominique LORMIER, Histoire de la France militaire et résistante 1939-1942, Éditions du Rocher, 2000, 318 p.

    ► Pierre Monthélie, Nouvelles de Synergies Européennes n°51, 2001.

     

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