• Le paganisme en Italie aujourd’hui

    Entretien avec le Professeur Sandro Consolato

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    On ne peut plus parler des racines profondes de l’Europe sans se référer aux mondes préchrétiens

     

    ◘ Synergies Européennes – Bruxelles/Rome/Viterbe – Nov. 2007

    consol10.jpgNous publions aujourd’hui un entretien avec le Prof. Sandro Consolato, responsable national, en Italie, du “Mouvement Traditionnel Romain” (Movimento Tradizionale Romano) et éditeur de la revue d’études traditionnelles La Citadella, auteur d’un livre intitulé Julius Evola et le bouddhisme et de multiples essais parus dans les revues Arthos, Politica Romana, Margini et Letteratura-Tradizione. L’entretien passe en revue, après enquête minutieuse, quelques thèmes fondamentaux parmi lesquels la critique de toutes ces thèses qui n’évoquent que les seules racines judéo-chrétiennes de l’Europe, la survivance de la religiosité romaine en Italie et les expressions les plus hautes de la paganité romano-italique, ainsi que le « culte gentilice » à travers les siècles. L'entretien jette aussi un regard sur les liens entre la tradition romaine et les expériences historiques et culturelles du fascisme et de quelques filons ésotériques de la droite dite radicale. Enfin, le Professeur Consolato formulera quelques remarques d’une brûlante actualité sur les rapports entre, d’une part, les représentants et les associations de la “Tradition Romaine” et, d'autre part, les mouvements religieux ethniques dans d’autres régions d’Europe.

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    • Q. : Commençons par les racines…. L’Europe a effectivement des racines “judéo-chrétiennes”, quel est alors votre point de départ, pour contester cette affirmation fort courante ?

    SC : Evola, dans sa jeunesse, quand il venait d’écrire Impérialisme païen, évoquait l'« Anti-Europe », mettant ses lecteurs en garde contre un danger « euro-chrétien »… Mais, c'est vrai, il n’y a eu de culture européenne unitaire, de l'Atlantique à l'Oural, de l'Islande à Malte, qu'au Moyen Âge, à la suite de la christianisation de notre continent, c'est-à-dire de terres et de peuples auxquels le christianisme primitif était étranger, tout simplement parce qu'il était né dans un vivier ethnique et religieux juif. C'est justement parce que le christianisme est, à l’origine, un phénomène allogène que l'on ne peut pas parler de racines profondes de l’Europe sans se référer aux mondes préchrétiens, comme celui des traditions helléniques et romaines, des traditions propres aux peuples celtiques, germaniques, baltes et slaves qui ont donné, chaque fois, une coloration particulière aux sociétés chrétiennes.

    • Mais toute spiritualité européenne aujourd’hui doit tenir compte de religions vivantes, et non de formes religieuses mortes…

    À cela, je vous rétorquerais que certains pays européens ont reconnu, juridiquement, l'existence et la pratique d’anciennes religions païennes. L'Europe entière devrait tenir compte de situations similaires dans d’autres pays, même si elles sont plus fréquentes à l'Est qu'à l'Ouest : prenons l’exemple concret de la Lituanie, où le paganisme “indigène” a été reconnu, il y a quelques années, par l'État. Ce paganisme a une histoire longue et vivante, voilà pourquoi les vicissitudes de celle-ci doivent nous servir d’exemple. Une délégation de notre mouvement, menée par Daniele Liotta a été invitée en Lettonie à la Conférence Internationale des religions ethniques en juin 2007. Elle a pu y constater qu’être païen, là-bas, est considéré comme la chose la plus normale, comme une donnée naturelle de l’identité nationale. Le jour du solstice, les païens peuvent, par ex., visiter les musées gratuitement.

    • Et qu'en est-il en Italie, la patrie des Romains ?

    Je formulerais d’abord une remarque : quand on parle de paganisme, il convient de distinguer 2 phénomènes ; d’une part, la religiosité populaire, d'autre part, les traditions élitaires. Dans les pays celtiques, scandinaves, baltes et slaves, contrairement aux pays méditerranéens comme l'Italie ou la Grèce, le paganisme populaire s’est maintenu à travers les siècles et, dans certaines régions, est demeuré plus autonome par rapport aux christianismes officiels que chez nous. Dans l'aire méditerranéenne, il reste, certes, de très intéressantes survivances de la religiosité populaire païenne, mais sous des travestissements chrétiens. En revanche, il y a toujours eu, chez nous et en Grèce, des élites païennes, s'inscrivant dans la continuité des cultures grecque et latine, cultures qualitativement supérieures, qui ont véhiculé jusqu'à nous le néo-platonisme, qui est donc la plus haute et la plus ancienne expression du paganisme philosophique, l'hermétisme alchimique et certains rites liés directement aux formes traditionnelles de la religion civique et privée du monde classique.

    À l'époque de la Renaissance, le contrôle religieux médiéval s’était relâché ; il s’est ensuite renforcé par le double effet de la Réforme et de la Contre-Réforme. Mais dans la période de relâchement, à l’évidence, des formes de revival païen se sont manifestées qui ne peuvent pas s’expliquer sans admettre qu’il a y eu vraiment continuité souterraine pendant des siècles. Au XVe siècle, nous avons en Grèce la « république païenne platonicienne » de Georges Gémiste Pléthon, qui s’établira en Italie ; en Italie même, nous avions l'Accademia Romana de Pomponio Leto, qui atteste de la survivance du Pontifex Maximus (Grand Pontife) païen dans la Cité des Papes. Entre ces 2 institutions, il existait un lien, à l'évidence, et ce n’est pas un hasard si la tombe de Georges Gémiste Pléthon se trouve en Italie. À côté de ces manifestations néo-païennes de la Renaissance, toute personnalité autonome peut reprendre aujourd’hui, pour elle, les rituels païens s’adressant aux dieux de l'Antiquité, ou les partager avec d’autres personnalités singulières ou avec des groupes d’hommes appartenant à des catégories cultivées de la société, connaissant les auteurs latins classiques et capables de déchiffrer sur les monuments des formules, des coutumes ou des pratiques religieuses antiques et païennes.

    • Qu'en reste-t-il dans l’Italie contemporaine ?

    L'affirmation publique la plus évidente, qui atteste de la permanence, jusqu’à nous, d’un centre initiatique païen de tradition italo-romaine — relevant donc de la tradition ésotérique — fut la rédaction d’un article en 1928, dû à la plume d’Arturo Reghini, dans les colonnes de la prestigieuse revue de sciences initiatiques, Ur, dirigée par Julius Evola. Ce dernier, comme je le disais tout à l’heure, venait d’écrire, la même année 1928, Impérialisme païen, ouvrage qui invitait explicitement le nouveau régime fasciste à se référer clairement à la tradition spirituelle du paganisme impérial. Dans son article, signé sous un pseudonyme — tous les collaborateurs de la revue avaient l’obligation de conserver l’anonymat — Reghini écrit : « Même si cela paraît totalement invraisemblable, un centre initiatique romain s’est maintenu sans interruption depuis la fin de l’Empire jusqu’aux temps présents, avec une continuité physique grâce à une transmission sans aucune coupure ». Reghini n’était pas un de ces occultistes comme le XXe siècle en a tant connu, mais, au contraire, une figure du monde spirituel de grande envergure, un explorateur et rénovateur insigne de la mathématique pythagoricienne : ses paroles ont donc résolument du poids.

    Du passage de son article, que nous venons de citer, nous ne retiendrons seulement qu’un seul fait évoqué : le paganisme de la Rome antique a laissé des traces importantes dans l’histoire culturelle et politique de l’Italie. Ceux qui veulent approcher le paganisme dans l’Italie d’aujourd’hui doivent donc nécessairement tourner leurs regards vers ce qui leur est finalement très proche et ne pas craindre de pratiquer des rites qui n’auraient aucune assise dans la réalité séculière, bien visible derrière les travestissements chrétiens ou autres. Ces rites donnent donc, finalement, la même sécurité que recherchent la plupart des gens dans les grandes religions historiques. Il suffit d’avoir le courage de l’humaniste du XVe siècle, ou de l’érudit du XVIIIe, qui, lorsqu’ils lisaient une prière ou la description d'un rite ou d’une offrande dans un texte latin classique, se sont dit : « Et si je le pratiquais, moi, que se passera-t-il ? ».

    • Quels sont aujourd'hui les groupes ou les personnalités marquantes du paganisme en Italie ?

    En Italie, nous avons aujourd’hui des individus et des groupes qui se réclament d’un paganisme que je qualifierais de “générique”, ou qui entendent ce paganisme dans une acception qui n’est ni romaine-italique ni classique, mais celtique ou même scandinave, c'est-à-dire “odiniste”. Pour moi, c'est un non sens, parce que dans l'Italie antique et, ensuite, dans nos traditions populaires, s'il existe peut-être des composantes celtiques, Odin, pour sa part, n’a jamais été chez lui en Italie : les Lombards, dont j’admire la geste, sont arrivés en Italie alors qu’ils avaient déjà été christianisés, et plutôt mal christianisés ; quant aux Normands qui se sont établis dans le Sud et en Sicile, ils n’étaient plus des Vikings païens.

    Il existe cependant des groupes qui n'aiment pas la publicité, qui ne publient pas de revues, qui n’ont pas de sites sur internet. Le Mouvement Traditionnel Romain (MTR), auquel j'appartiens, a choisi la voie d'une présence culturelle active et explicite. Des groupes liés à ce mouvement existent dans diverses régions d'Italie. Au niveau public, il convient de signaler également l'Associazione Romana Quirites de Forli. Nous, du MTR, œuvrons sur le plan culturel par le biais d'un site et d’un forum sur internet. L'adresse du site est : lacittadella-mtr.com. L'adresse du forum est : saturniatellus.com. Mais notre principal organe demeure la classique revue sur papier, La Citadella. Il existe encore d’autres revues intéressantes dans le domaine qui nous préoccupe, comme Arthos, mais elle ne traite que partiellement de thématiques proprement païennes.

    Caractéristique majeure du MTR : il a réussi à conquérir un statut culturel reconnu par tous, ce qui l'amène à dialoguer avec nombre de personnalités issues du monde universitaire et à gagner la sympathie de beaucoup d’intellectuels non-conformistes. Certes, l'activité culturelle que nous déployons ne rend personne plus “païen” qu’un autre mais, à l'évidence, la qualité de nos activités éditoriales aide à légitimer socialement les activités qui ont un caractère spirituel stricto sensu.

    • À propos des activités culturelles, vous avez collaboré également au volume collectif des “Edizioni di Ar”, intitulé Il gentil seme, qui pose justement quantité de bonnes questions sur les racines les plus anciennes de l'Europe…

    Vous faites bien de signaler l'existence de ce précieux volume. Personnellement, je le considère comme l'un des témoignages les plus patents qu'il existe en Italie une culture païenne de haut niveau, capable d’affronter les plus grandes questions philosophiques, historiques et politiques. Les Edizioni di Ar, surtout au cours de ces dernières années, ont apporté une grande contribution : elles ont rendu parfaitement “normal” le fait de parler de paganisme.

    • En Italie, mais pas seulement en Italie, le paganisme a une histoire qui le lie au fascisme historique et au néo-fascisme, voire au radicalisme de droite. Comment expliquez-vous cela ?

    Dès son émergence, le fascisme a éveillé l’intérêt de certaines personnalités et de certains milieux qui pensaient que le mouvement de Mussolini donnerait à l'Italie une belle opportunité historique, celle de jouer à nouveau un grand rôle sur la scène internationale, ce qui avait pour corollaire de se référer obligatoirement à Rome. C'est vrai pour Giacomo Boni, pour Arturo Reghini et pour Julius Evola. Voilà pourquoi un païen italien, aujourd’hui, peut affirmer clairement qu’il n'est pas fasciste mais ne peut pas pour autant se déclarer anti-fasciste.

    Contrairement à ce que l’on croit habituellement, le paganisme authentiquement romain n'a jamais suscité beaucoup d'intérêt dans la sphère néo-fasciste. Le paganisme peut certes se limiter à n'être qu'une option philosophique élitiste, mais la romanité, elle, doit toujours se traduire en réalité politique, en un ordre étatique et social. Toutefois, la naissance du groupe des “Dioscures”, au sein d’Ordine Nuovo, à la fin des années 60, est un fait fort important. Les rédacteurs de cette mouvance particulière au sein d’Ordine Nuovo ont écrit publiquement, à l'époque, que, pour redonner un ordre traditionnel non seulement à l'Italie mais au monde entier, il fallait rallumer à Rome le feu de Vesta. C'était une audace, et non des moindres, à l’époque.

    • Mais en quoi consiste la vie proprement religieuse d’un païen de tradition romaine de nos jours ?

    C'est une vie centrée sur un culte qui est certes privé mais aussi communautaire, parce que la religion des Romains est avant toutes choses une religion de l'État romain (ses prêtres sont simultanément magistrats, ne l'oublions pas), qui, pour être remise entièrement en vigueur, a besoin d’un culte public de l'État. Le culte privé, tout comme le culte public, est rythmé par l'antique calendrier romain, avec ses calendes, neuvaines et ides. Il y a maintenant de nombreuses années, Renato del Ponte, figure de proue du traditionalisme romain à notre époque, avait édité un calendrier qui nous permettait de revenir, tout naturellement, au temps sacré de nos ancêtres.

    Je me permets de rappeler, ici, que les Romains et les Grecs de l'Antiquité ne savaient pas qu’ils étaient des “païens” ou des “polythéistes”, appellations savantes et modernes. Le premier de ces termes est de nature polémique : il a été forgé par les chrétiens qui se référaient ainsi aux survivances des cultes anciens dans les pagi, c'est-à-dire dans les villages éloignés des campagnes ; le second de ces termes est “scientifique” et récent. Nos ancêtres de l'Antiquité savaient seulement qu'ils étaient “pies” et “religieux” et, en tant que tels, devaient vénérer plusieurs Dieux, non pas parce qu'ils ignoraient la réalité unitaire et métaphysique du cosmos mais parce qu’ils savaient que cette réalité s'exprimait par une pluralité merveilleuse de formes et de fonctions qui rendaient le cosmos sacré et beau. Si les 2 termes “païen” et “polythéiste” servent simplement à faire comprendre directement ce que nous sommes, il faut cependant préciser que le premier se réfère à la spiritualité préchrétienne et le second au Panthéon classique. Forts de cette précision, nous pourrions nous définir comme païens et polythéistes. Mais si ces termes génèrent de la confusion et risquent de nous associer désagréablement à l’occultisme du New Age, alors il vaut mieux privilégier l’appellation de “traditionalistes romains”, car finalement c’est de cela que nous parlons.

    • Vous prenez donc vos distances avec le terme “païen”…

    hestia10.jpgEn aucun cas. Dans le terme “païen”, je perçois l’indice d’une volonté de se distinguer, une volonté d’aller aux racines, et en ce sens “radicale”, un refus de tout compromis avec ce qui est venu “après”. La posture païenne est donc utile pour échapper aux pièges de certaines visions spiritualistes pour qui tout ce qui fut “bon” dans le monde antique aurait été définitivement absorbé et assimilé dans les monothéismes chrétien et musulman. Ensuite, faut-il ajouter que dans la culture universitaire, le terme “païen” est utilisé habituellement pour toute référence aux philosophies et littératures de l'Antiquité, de Platon à Proclus, de Homère à Virgile ? Somme toute, le “paganisme” représente le donné originel de la culture européenne : il ne peut devenir ni un terme criminalisé ni un terme collé à des phénomènes d’autre origine, comme le font aujourd’hui le Pape et les évêques qui crient au “retour du paganisme” quand ils évoquent le satanisme contemporain ou le mariage homosexuel.

    ► Propos recueillis par Francesco Mancinelli, animateur du Circulo Culturale Helios de Viterbe (entretien paru dans Rinascita, 6 nov. 2007 ; tr. fr. : RS).

    [version italienne]

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    Les courants de la Tradition païenne romaine en Italie

    RomanitasTout au long du XXe siècle, et, avant l’actuelle renaissance, avec le renouveau des premiers temps du Fascisme jusqu’aux Accords du Latran (11 février 1929), l’Italie a vu se manifester ce que le professeur Piero Di Vona a appelé, pour clarifier les choses, « le Traditionalisme romain ». Cet ensemble jusqu’il y a peu hétérogène, regroupant diverses personnalités, revues et tendances, n’est nullement monolithique ; il constitue plutôt une mouvance qui réussit à assumer différentes facettes d’un héritage ancien.

    Cette mouvance, malgré son hétérogénéité sur les plans méthodologique et idéologique, se caractérise par la volonté de réactualiser le modèle spirituel, religieux et rituel du Paganisme romain, dont nous avons proposé ailleurs une définition plus précise : « la Voie romaine vers les Dieux ». Le courant traditionaliste considère cette voie comme une alternative permettant à l’État italien de se soustraire aux ingérences, aux abus politiques et moraux de l’Église catholique.

    Nous ne parlerons pas ici de la préhistoire de ces courants pas plus que nous n’aborderons la question de leur éventuelle transmission directe depuis les lois liberticides des empereurs chrétiens Gratien et Théodose, entre 382 et 394, qui interrompirent jusqu’à nos jours la Pax Deorum. Nous renvoyons pour cela le lecteur à notre étude intitulée Le Mouvement traditionaliste romain au XXe siècle (1). Ce concept de Pax Deorum est essentiel, pourvu qu’il s’agisse du “pacte” ou du “contrat” établi aux origines entre les Dieux primordiaux (et tout particulièrement Jupiter Optimus Maximus, le Père du Ciel, ainsi que Janus, Mars et Vesta) et le peuple de Rome. Cette Pax, voulue par l’Augure-Roi Romulus et développée par Numa Pompilius, a fondé l’union indissoluble de la religion et de l’État romain, depuis le temps des Rois jusqu’à la chute de l’Empire.

    Actuellement, les courants de la Tradition païenne romaine peuvent, en privé, pratiquer le Cultus Deorum, mais point le culte public, qui présupposerait la restauration de la Pax Deorum, coïncidant par ailleurs avec la restauration de l’État romain traditionnel. Ceci explique qu’une série de représentants ont tenté, tout au long de ce siècle, d’exercer une influence sur les plus hautes autorités de l’État italien, mais avec des résultats insuffisants.

    Comme prédécesseur célèbre du courant traditionaliste romain, et d’un type culturel et idéaliste, on peut citer un courant de pensée de la fin de l’époque napoléonienne représenté par Vincenzo Cuoco, auteur d’un roman archéologique, Platon en Italie, et par Ugo Foscolo. Refus tant du cosmopolitisme des Lumières que des idées réactionnaires de la sainte Alliance, revendication d’une tradition spirituelle et civique autochtone remontant à l’Italie pré-romaine et se prolongeant jusqu’à la Renaissance (cf. le De antiquissima Italorum Sapientia de Gian Battista Vico) caractérisent ce courant qui réapparaît tout au long du Risorgimento (les pages de Gabriele Rossetti dans Le Mystère de l’amour platonique au Moyen Âge [1840] en constituent un autre sommet).

    Au XXe siècle, certaines figures les plus éminentes de ce courant s’inspirent largement des tendances anticléricales et maçonniques du Risorgimento, tandis que d’autres s’en éloignent pour suivre des voies propres et originales. Cette diversification s’est conservée jusqu’à nos jours.

    La référence au Risorgimento n’est pas fortuite parce que, selon les actuels représentants du courant, l’unité italienne est la condition indispensable pour la restauration de la Pax Deorum. Ceci pour « des raisons métahistoriques et métapolitiques, à savoir sacrées, fondée ab origine sur le rapport entre le sol et les épiphanies divines relatives aux religions des anciens habitants de l’Italie, c’est-à-dire sur le lus sacrum de Rome ». (2) Par-delà l’influence sur des poètes comme Giovanni Pascoli, la Voie romaine vers les Dieux aurait été préservée dans quelques familles nobles du Latium, les Colonna et les Caetani. Ce serait même un Caetani, selon une thèse controversée, «Ekatlos», qui aurait célébré un rite durant la Première Guerre mondiale, « mois après mois, nuit après nuit, sans arrêt ». Le rituel appelait les forces de la Guerre et de la Victoire, antiques et augustes figures de la race romaine, par le truchement d’un sceptre royal découvert dans une tombe de la Via Appia Antica…

    Un archéologue célèbre tel que Giacomo Boni, qui découvrit en 1899 le Lapis niger sur le Forum romain et qui, en 1923, conçut le faisceau du licteur pour Mussolini, fut loin d’être insensible à la Voie romaine. Ainsi que le Ministre de l’Instruction publique de la fin du XIXe siècle, Guido Baccelli, qui disait : « l’idéal de notre siècle est le citoyen soldat, notre modèle, la Rome ancienne ». C’est toutefois avec Arturo Reghini (1878-1946) que la Voie romaine tend à devenir plus explicite, même s’il appartient au courant “orphico-pythagoricien”, marginal par rapport à la Tradition romaine proprement dite. Ce fut précisément autour des revues de Reghini, Atanor (1924), puis Ignis (1925), et enfin, après les ordonnances de Bodrero et les lois sur les sociétés secrètes, Ur (1927-1928) officiellement dirigée par Julius Evola, que se rassembleront tous ceux qui cherchaient à donner au régime un caractère néo-païen et romain. Mussolini éprouva quelque intérêt pour ce courant puisqu’il reçut, le 23 mai 1923, des représentants de la Voie romaine qui lui offrirent une hache étrusque archaïque liée comme un faisceau selon les prescriptions rituelles. Cet acte propitiatoire d’inspiration sacrée avait pour objectif manifeste de favoriser une restauration païenne, un retour à la Pax Deorum.

    De même, le célèbre pamphlet de Julius Evola, Impérialisme païen (3), fut le dernier appel, tragique et sans équivoque, des représentants du courant romain avant le Concordat (1929), dans l’espoir que le Fascisme « assume la Romanité de façon intégrale en imprégnant toute la conscience nationale ». Il s’agissait pour la classe politique de « réaliser le point de vue sacré, spirituel, initiatique de la Tradition ». Il semble que cette prise de position critique (et farouchement antichrétienne, NDT) n’ait pas trop déplu à Mussolini, qui confia, en privé, à Yvonne de Begnac (Taccuini Mussoliniani, a cura di F. Perfetti, Bologna 1990, p. 647) : « Contrairement à ce que l’on pense généralement, je ne fus pas du tout fâché de la prise de position du Dr. Julius Evola quelques mois avant la Conciliation à l’encontre d’une paix, quelle qu’elle soit, entre le Saint-Siège et l’Italie ».

    En effet, le 11 février 1929, le gouvernement fasciste signa au nom du Roi d’Italie le Concordat avec l’Église catholique. C’est alors que prit naissance ce monstrum juridique que constitue la Cité du Vatican. C’était la fin de tous les espoirs d’action au sein du régime pour Evola, Reghini et les autres représentants influents de la Voie païenne restés dans l’ombre. Restait le programme minimal indiqué par Evola dans Impérialisme païen : « promouvoir les études de critique historique, non point partisane, mais froide, chirurgicale, sur l’essence du Christianisme (…), promouvoir les études, la recherche et vulgariser l’aspect spirituel du Paganisme, sur la vraie vision du monde ». Conformément à ce programme minimal, Evola cherchera plus tard à publier les travaux de quelques-uns de ses collaborateurs, dans Diorama Filosofico, de manière irrégulière entre 1934 et 1943 dans la page culturelle du quotidien de Crémone, Il Regime Fascista de Roberto Farinacci.

    Mythes et symboles de la tradition romaine seront étudiés sur le plan spirituel par Evola en personne, Giovanni Costa (auteur en 1923 d’une Apologie du Paganisme), Massimo Scaligero, du jeune Angelo Brelich (qui occupera après la guerre la chaire d’Histoire des Religions du Monde classique à l’Université de Rome), Guido De Giorgio, ainsi que par des collaborateurs étrangers comme Franz Altheim et Edmund Dodsworth. Mais ici, le discours est devenu purement culturel, ou, tout au plus, anthropologique : l’aspect religieux et spirituel manque et l’intérêt pour le rituel est inexistant.

    Guido de Giorgio (1890-1957) avait tenté une difficile conciliation entre Voie romaine et Christianisme autour d’une notion “métaphysique” de Rome. On ne peut l’insérer dans le courant dont il est ici question. Mais il avait bien vu, dans sa Tradition romaine (conçue entre 1939 et 1942, mais publiée après sa mort, en 1973), que la guerre serait fatale pour l’esprit et le nom de Rome. En effet, la Voie romaine est restée longtemps occultée, jusqu’à la fin des années 60. Elle semble renaître, mais aux marges de certains courants de la droite radicale, d’abord au sein du Centre des Études d’Ordine Nuovo, puis, s’étant détachée de cette organisation, au sein du Groupe des Dioscures (1970), dont le siège principal était à Rome, mais avec des sections à Naples et Messine. On ignore à quel point ce groupe avait repris les pratiques opératives, magiques, déjà en usage dans le groupe “Ur” (1927-1929). Evola, qui disparut en 1974, était au courant de son activité. Le groupe publia quatre fascicules doctrinaux entre 1969 et 1973 : les Brochures des Dioscures.

    L’une d’elles, L’assaut de la vraie culture, attribuée à un célèbre ésotériste, a été traduite en français par Philippe Baillet et publiée dans la revue Totalité en 1979 sous le sous-titre « Présent et avenir du traditionalisme intégral ». L’intérêt de ce groupe, dissout vers 1975, a été ce rattachement conscient aux précédentes expériences sapientielles. Il a indiqué à divers membres de ce que l’on appelait alors “droite radicale” (mais ce terme a aujourd’hui perdu une grande partie de son sens) des pistes possibles pour une Tradition païenne romaine en Italie.

    Si le Groupe des Dioscures a disparu, en raison de la voie opérative choisie et surtout à cause du manque de qualifications de nombre de ses membres, quelques cénacles périphériques ont poursuivi leurs activités, de façon différente et novatrice. Ainsi faut-il citer le groupe de Messine, qui date de la fin des années 70 et, dans la même ville, le groupe “Arx”, par la suite éditeur de la revue trimestrielle La Cittadella (à partir de mars 1984) et des cahiers du même nom (4).

    Au début des années 80, le courant romain renaît de manière consciente et explicite. La première manifestation publique a lieu en un endroit et à un moment très significatifs. En 1981, à Cortona, d’où, selon la tradition mythique, Dardanus, souche de la dynastie troyenne serait parti vers l’Asie Mineure, et le premier mars, jour qui marque le début de l’année sacrée romaine, eut liai un important congrès consacré à la Tradition italique et romaine. Malgré les prises de position diverses, cette rencontre eut le mérite de proposer l’Aurea Catena Saturni de la Tradition autochtone italique (5).

    Un deuxième congrès a eu lieu peu après à Messine, en décembre 1981, sur le thème « Le Sacré chez Virgile » (textes publiés dans la revue Arthos de R. Del Ponte, NDT). À partir de ce moment, avec la publication de livres et de collections comprenant auteurs classiques et modernes ainsi que des ouvrages d’érudition, une nouvelle élaboration doctrinale et une redéfinition des concepts fondamentaux témoignent d’un approfondissement intérieur. De prudentes activités “extérieures” permettent au mouvement de s’étendre à travers toute l’Italie.

    Ainsi, entre 1985 et 1988, trois rencontres ont pu être organisées : les Conventum Italicum I, II et III, qui ont rassemblé les trois principales branches de la Voie romaine. Les débats ont surtout porté sur les rituels, les concepts de monothéisme et de polythéisme, la préférence à apporter à la plus ancienne Tradition (Prisa Traditio) ou à la Tradition de la Rome tardive, mystérique et néoplatonicienne.

    Enfin, une ligne d’action commune a été décidée afin de diffuser les idées du Mouvement Traditionaliste Romain (MTR), qui se définit lui-même non comme un mouvement politique, mais « comme l’expression sur le plan culturel de la Nation, Centre spirituel témoignant, en cette fin de deuxième millénaire de l’ère vulgaire, de la continuité, et de la présence vivante de l’antique Tradition romaine et italique ».

    À la fin de 1988, une petite brochure anonyme a été publiée par le MTR : Sur le problème de la Tradition romaine de notre temps (6). Sous la forme d’un entretien, il est répondu aux principales questions et objections doctrinales et culturelles adressées au MTR. Diverses orientations sont fournies à qui veut participer à la vie du milieu traditionaliste romain en voie de constitution. Le mieux est d’en donner le sommaire :

    • 1) Les composantes du MTR
    • 2) Les équivoques du néo-paganisme
    • 3) Esprit romain et monde chrétien
    • 4) Sur la “légitimité” de la Tradition romaine
    • 5) La Pietas romaine actuelle
    • 6) Le rôle de la Femme
    • 7) Les nouvelles communautés de destin (7)
    • 8) Objectifs immédiats
    • 9) Sur la tolérance religieuse
    • 10) La Tradition romaine et la politique.


    Enfin, lors du IVe et dernier Conventum Italicum, tenu au solstice d’été 1992 à Forli au siège de l’association Romania Quirites (puissante organisation fédérée au MTR, structurée de manière communautaire avec des zones agricoles et des activités artisanales en Romagne et qui publie la revue Saturnia Régna), il a été décidé que, à côté du MTR (fédération d’associations de fait et de droit), naîtrait la Curia Romana Patrum. Celle-ci a pour rôle de veiller au Mos et à la Pietas : le rite et le culte aujourd’hui privés, en quelque sorte. Il y a à présent cinq Gentes, groupant chacune plusieurs Familiae : deux en Sicile (Aurélia et Castoria), une dans le centre (Iulia Primigenia), et deux au nord (Pico-Martia et Apollinaris). En 1992, un kalendarium précis a été établi pour préciser les dates essentielles des célébrations cultuelles de la communauté.

    Sur ces bases, deux mariages ont pu être célébré selon l’antique rite traditionnel de la Confarreatio (communion de l’épeautre). Cette cérémonie est absolument facultative et n’est nullement exigée des membres des Gentes ; elle a été célébrée “rite” par le Magister Gentium, élu ou confirmé chaque année par la Curia Patrum sur la base de son experientia religieuse.

    Pour terminer, signalons la récente parution en 1993 d’un intéressant Manifeste en 15 points (déjà cité) indiquant clairement la volonté du MTR de prendre des positions publiques. À ce propos, la revue Politica Romana écrit : « Cette volonté d’avoir une incidence dans le domaine public, avec une attention particulière pour le thème de la Patrie, de la Nation, de l’État et de la Religion démontre un réveil de l’intérêt pour le domaine qui fut l’objet principal des soins du Koku-rei, le cérémonial nippon qui du reste n’existe plus aujourd’hui comme fonction institutionnelle de l’État » (8). Au point 5 du Manifeste (article Religion), on peut lire : « Ne se considérant lui-même que comme une expression d’une réalité (…) il (le MTR) fait sienne l’idée bien romaine de la pluralité des formes du sacré ». Et « Considérant comme “État traditionnel minimal” un état similaire au Japon shintoïste, mais où le Shintoïsme serait remplacé par un culte public des Dieux de Rome, le MTR a jusqu’à présent assuré que, dans l’éventualité de l’avènement d’un État de ce genre, le pluralisme religieux serait maintenu ». Toutefois, « il reste souhaitable à nos yeux que la Cité du Vatican, siège de l’État du Pape, soit transférée hors d’Italie. De nombreux Catholiques du monde entier désirent d’ailleurs ce transfert ».

    On le voit, l’héritage de Julius Evola et de son livre Impérialisme païen est demeuré très vivace.

    ► Renato Del Ponte, Antaïos n°10, 1996.

    Texte remanié d’une conférence prononcée à Paris le 3 février 1996 au colloque sur le Paganisme contemporain organisé à Paris par les éditions L’Originel.

    ◊ Notes :

    (1) R. Del Ponte, Il Movimento tradizionalista romano nel Novecento, SeaR, Scandiamo 1987. Du même éditeur, on lira aussi : Sul problema di una Tradizione romana nel tempo attuale, Scandiano 1988.
    (2) Movimento Tradizionalista Romano, Manifesto : Orientamenti per i tempi a venire, Messina, 1993, p.II-lII.
    (3) J. Evola, Impérialisme païen, Pardès, 1993.
    (4) La Cittadella (Arx), Messina.
    (5) Y participaient les continuateurs de l’œuvre de Reghini, éditeurs de la revue Il Ghibellino (1979-1983) et fondateurs en Calabre de l’Association pythagoricienne, avec la revue Hygieia (cinq fascicules entre 1984 et 1985). À la mort de l’un des principaux organisateurs, Salvatore Recupero, certains animateurs ont fondé Ignis (six numéros entre 1990 et 1992). Actuellement, les groupes pythagoriciens ne prennent qu’une part marginale aux initiatives du Mouvement Traditionaliste Romain. Il faut aussi citer les cahiers Alètheia publiés à Marsala.
    (6) Cf. supra.
    (7) Il est précisé à cet égard que ces communautés devaient reprendre le nom ancien des Gentes, sans reposer sur des bases nobiliaires et parentales, mais bien sur une commune vision du monde et sur le culte commun rendu aux mêmes figures divines.
    (8) P Fenili, « Religion d’État et religion de salut en Italie et au Japon », in : Politica Romana, I, 1994, p.26. Cette publication n'adhère pas formellement au MTR et peut être considéré comme l’expression d’un courant “kremmerzien”. Au contraire, Mos Maiorum (Rome, depuis 1994) semble s’inspirer de certaines études du Groupe des Dioscures, les aspects rituels en moins.

    ***

    Evoliana

    RomanitasRenato Del Ponte, que le poète Pierre Pascal appelait le « cœur des cœurs », fut in illo tempore le collaborateur et l’ami de Julius Evola. C’est lui qui, le 26 août 1974, déposa son urne cinéraire dans une crevasse en haute montagne (Lyskamm oriental). Funérailles à l’image du personnage énigmatique que fut le baron Julius Evola. On pense ici à d’autres funérailles, tout aussi clandestines : celles de Montherlant, dont les cendres furent répandues sur le Forum romain et dans le Tibre par Gabriel Matzneff. Renato Del Ponte s’est imposé comme l’un des meilleurs connaisseurs de l’œuvre d’Evola, dont il a édité plus d’un titre. Responsable du Centra Studi Evoliani, il a fondé la revue Arthos (1972-1990), organe du traditionalisme païen romain. La section belge du CSE était alors dirigée par le surréaliste Marc. Eemans. M. Del Ponte compte relancer la revue Arthos, ce qui serait hautement souhaitable, vu l’excellente tenue de cette publication. Il est aussi directeur de multiples collections et traducteur, on lui doit une traduction commentée de la relation sur l’Autel de la Victoire de Symmaque, l’âme de la résistance païenne au sein de la noblesse romaine (ed. Basilisco, Genova). Chez le même éditeur, on trouve des textes de l’empereur Julien, des livres sur Mithra, Pythagore, etc. Cet infatigable chercheur vient de publier, aux éditions SeaR, Evola e il magico Gruppo di Ur (1994), luxueux ouvrage (portant un Mithra tauroctone en couverture) sur l’aventure magique et opérative du jeune Evola (1927-1929). Le livre présente des documents inédits sur Ur, des témoignages et des extraits de la correspondance de Guénon.

    Toujours sur Evola, SeaR publie, du philosophe Sandro Consolato, Julius Evola e il Buddhismo (1995), un beau livre — il faut souligner le goût parfait de cet éditeur — sur les rapports complexes du penseur traditionaliste avec le Bouddhisme et la doctrine de l’Éveil. On y lira d’intéressantes réflexions solidement argumentées (impressionnant appareil de notes) sur le thème de l’ascèse chez Evola et Guénon, l’initiation, le caractère indo-aryen (Evola a développé ailleurs le concept fondamental de « race de l’esprit » en réaction contre certain biologisme réducteur) de cette doctrine. Enfin, Renato Del Ponte étudie l’important travail effectué par Evola dans les pages du Diorama filosofico (1934-1943) dans un recueil, également somptueux, intitulé Delle rovine ed oltre : Saggi su J. Evola (Pellicani, Roma, 1995). Ce recueil comprend des études sur Evola et la Maçonnerie, Evola et Eliade, ses rapports avec l’avant-garde, le dadaïsme, etc. R. Del Ponte y analyse finement l’aventure intellectuelle du Diorama où le « filosofo proibito » accueillit la fine fleur de la Révolution conservatrice européenne, du Prince de Rohan à Brelich. Il y relate aussi le succès du Corpus Evolianum en Pologne, Hongrie, Roumanie et Russie… D’autres spécialistes étudient qui le dadaïsme du jeune Evola et son «futurisme», qui son «antifascisme antidémocratique» (M. Rossi) sous l’influence de Stirner et de Nietzsche. L’importance du penseur, que Marguerite Yourcenar considérait comme essentiel, est soulignée ainsi que le malentendu né d’approches fragmentaires. Un long poème aux réminiscences jüngeriennes et nietzschéennes achève de conquérir le lecteur attentif et fait de ce livre une référence aussi incontournable que la somme de Christophe Boutin (Politique et Tradition, Kimé, 1992). (Christopher Gérard)

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