• gg10.jpg◘ Giovanni Gentile (1875-1944) :  Ancien élève de l'École normale supérieure de Pise, Gentile enseigne dès 1903 la philosophie aux universités de Naples, de Palerme et de Rome. Il est, après Benedetto Croce, le représentant le plus éminent de la pensée italienne de la première moitié du XXe siècle. Gentile subit, à travers Bertandro Spaventa (1817-1883), l'influence de l'idéalisme hégélien, en réaction contre le positivisme de la fin du XIXe siècle, et collabore dès sa fondation en 1903, à la revue La Critica,  dirigée par son ami et collaborateur B. Croce.

    ♦ Parcours philosophique

    Entre 1911 et 1931, il élabore sa doctrine de “l'actualisme”. En réformant la dialectique des premières catégories de la logique hégélienne, Gentile nous montre comment à partir d'une pensée rigoureuse de la conscience de soi (Selbstbewusstsein), c'est-à-dire à partir de la radicalisation du thème majeur de l'idéalisme hégélien, il devient possible de dépasser de l'intérieur les limites de la subjectivité sans renoncer en rien à l'idée d'une rationalité auto-fondatrice ni à l'humanisme qui l'accompagne. Est ainsi fondé un immanentisme total, instaurant un lien nécessaire entre l'histoire réelle et la philosophie de l'esprit, entre la pensée et l’action : le passé et le présent, l'espace et et le temps se résolvent dans l'acte ; la sensation coïncide avec la perception, la connaissance avec la volonté. Le système de Gentile trouve son couronnement dans la politique, conçue comme la vie de l'État dans l'individu. “L'État éthique” n'est pas neutre, ou agnostique, en face de la science, de l'art ou de la religion : à travers lui, l'individu se départicularise et accède à l'universel. La liberté du citoyen réside dans l'obéissance à la loi.

    Touché au vif par la Grande Guerre et la montée du bolchevisme, Gentile, pour qui la composante politique et celle philosophique sont inextricablement mêlées, entre dans l'action militante dès 1919, en exposant, dans la revue Politica, l'idée de l'État-force qui doit être instauré en Italie pour surmonter la crise de l'après-guerre. Il rompt avec Croce demeuré fidèle aux valeurs du libéralisme éclairé d'un Cavour. Si Gentile opte pour la dictature, en laquelle il voit l'opportunité historique de la réalisation de l'État éthique, il n'en reste pas moins fondamentalement préoccupé par une réforme morale susceptible d'achever l'unité politique italienne, par la formation de la conscience du citoyen. Or, ce souci de cohésion nationale est également inscrit dans le projet politique du pouvoir fasciste. Gentile s'engage en 1922 au sein du gouvernement mussolinien et demeure fasciste jusqu'à son assassinat en 1944. Car il est convaincu que le fascisme trouvera sa voie dans l'idéalisme actuel. Cette philosophie de l'acte s'objective donc en une politique particulière, celle du fascisme, considéré comme une période transitoire. Par conséquent, l'engagement de Gentile n'a d'emprise que sur l'État réel, alors que par-delà celui-ci, “l'actualisme” demeure à la recherche de l'État idéal. 

    ♦ Parcours politique

    Conseiller communal de Rome, il devient en 1922 ministre de l'Instruction publique dans le premier gouvernement formé par Mussolini et il est nommé sénateur. Au cours d'une période assez brève (1923-1929), il jouera un rôle fondamental dans l'organisation du régime fasciste, sur le double plan de la doctrine et des institutions. À travers l'Institut national fasciste de culture, fondé en 1925 et dont il est le président, Gentile inspire un grand nombre de publications et contrôle 35 instituts culturels, qu'il crée ou réorganise. Son œuvre, en ce domaine, est souvent positive, comme par ex. l'appui qu'il donne à la publication de la monumentale Encyclopédie italienne Treccani (1929-1937).

    Le Duce, avec sa formation rudimentaire d'auto-ditacte, est peu à même de saisir la complexité et les exigences de la pensée de Gentile, mais il exploite le prestige que ce ralliement vaut à son régime. Gentile, qui a désormais épuisé la force créatrice de sa pensée, va s'efforcer de donner à l'action fasciste la justification d'une motivation politico-morale. Il le fait au prix d'une vulgarisation de ses théories, à l'usage d'une classe politique qui ne voit dans le fascisme qu'un instrument de profits personnels. Ce qui l'entraîne à des formules simplicatrices telles que : « l'esprit fasciste est volonté, non intelligence » ; à des déclarations anti-culturelles, en opposition avec sa nature profonde ; à des démonstrations laborieuses pour établir la dictature, née de l'arbitraire et de la violence, est la garantie de la liberté individuelle. L'article « Fascisme » de l'Encyclopédie italienne, signé par Mussolini mais rédigé par Gentile, développe le thème de la nation en armes, justifiant la guerre qui « imprime un sceau de noblesse aux peuples qui ont le courage de l'affronter ».

    Gentile prend une part active à la fascisation des institutions, comme membre de la Commission de réforme de la Constitution (1925). C'est dans le secteur de l'enseignement et de la culture que sa marque est la plus profonde. En 1923, il procède à une refonte totale du système éducatif, qui remontait à la loi Casati de 1859, et qui favorisait les établissements confessionnels. La réforme Gentile donne la prépondérance aux humanités classiques, à l'histoire et à la philosophie, au détriment des sciences et des techniques. Si l’intention est très clairement élitiste (constituer en Italie une solide « aristocratie de l’esprit »), suivant l’auteur, elle n’est pas pour autant fasciste dans la mesure où elle tient à égale distance et l’idée de récupération d’une école de masse à des fins d’endoctrinement politique ou social et l’idée d’une école “ascenseur professionnel” d’une petite bourgeoisie qui veut toujours plus de promotion sociale pour ses propres enfants. Sans entrer dans le détail conceptuel des thèses éducatives (sur la dialectique entre autorité du maître et liberté de l’élève, sur l’éducation morale et l’instruction, sur l’éducation des masses et de l’élite, sur le corporatisme et l’individu) désignées généralement sous le nom d’« actualisme » pédagogique  pour en souligner justement la nature à la fois “spirituelle” et concrète,  elles témoignent d'une nette orientation pratique : « La science, le savoir, l’éducation ne sont pas dans les bibliothèques, ni dans le ciel des idées, ni dans les connaissances, mais dans l’esprit de celui qui est train d’apprendre. Le maître n’est donc pas un savant qui communique un savoir mais un individu qui apprend en apprenant, c’est-à-dire en vivant de l’intérieur sa propre culture et non en la répétant mécaniquement comme un pédant ».

    N'en reste pas moins problématique, quant au rôle de ce corps intermédiaire qu'est l'institution scolaire, l'articulation entre État et société civile car, comme le rappelle Gramsci, ne faudra-t-il pas toujours former « des personnes capables de penser, d’étudier, de diriger, ou de contrôler ceux qui dirigent » ? Il serait aisé de faire un parallèle avec la charte du travail adoptée en 1927 instaurant un corporatisme chargé de réguler les rapports entre patrons et travailleurs et de définir les grandes orientations économiques, et qui, à l'opposé du syndicalisme,  entend dépasser les intérêts catégoriels au profit de l'intérêt supérieur de la nation représentée par l'État : le risque de maintenir un système duel en lieu et place d'un relèvement est intrinsèque à cette sursomption, en témoigneraient les intérêts du grand patronat globalement préservés par le régime dictatorial qui, par sa volonté de cosntituer un pays fort et industrialisé dans le concert des nations européennes, s'inscrit de ce point de vue, par-delà une certaine théâtralité, dans une continuité avec l'État libéral (1861-1922).

    Pour en revenir à Gentile, les premières divergences avec Mussolini se manifestent à propos de la politique religieuse. Il voit dans la religion une simple transposition vers une éthique de l'État. Anticlérical, il est hostile à la « méchante utopie » de la conciliation entre régime fasciste et Vatican (qui conclut la Question romaine). Écarté du ministère de l'Instruction publique par le Duce, désireux de se concilier les catholiques en vue des prochaines élections, il cesse d'être membre du Grand Conseil fasciste.  Son dernier regain de prestige date d'octobre 1931, où il lance l'idée de serment de fidélité au fascisme, exigé des universitaires, et qui, sur 1.200 professeurs, n'est refusé que par 12 opposants. Mais son influence cesse d'être déterminante dans la période triomphale du régime. Il semble n'avoir été informé ni consulté à propos des grandes décisions, comme les lois raciales de 1938, ou le rapprochement avec Hitler.

    Intellectuel pur, honnête et désintéressé, au sein d'un personnel politique corrompu, Gentile apporta dans son appui au système mussolinien l'intransigeance de convictions théoriques absolues. Il ne persécuta pas directement ses anciens amis, La Critica de Croce continua de paraître et il chercha à atténuer les mesures anti-sémites qui frappaient les intellectuels. Témoin de la subordination croissante de l'État fasciste au nazisme, le 24 juin 1943, dans un ultime discours au capitole de Rome, il exhorte ses compatriotes à l'union sacrée, pour le salut de la patrie. Demeuré fidèle jusqu'au bout à Mussolini, il adhère, de Florence où il s'est fixé, à la République sociale fasciste (RSI) de Salò (1943-1945). Condamné à mort par une cellule communiste des Groupes d'action patriotique (GAP), il est exécuté le 15 avril 1944.

    (notice rédigée d'après le Thésaurus de l'Encyclopédie Universalis)

    ♦ Sur G. Gentile chez l'Harmattan : Entre philosophie et politique : G. Gentile – un philosophe engagé sous le fascisme, N. Allegri Sidi-Maamar (2001) ; Les conceptions éducatives de G. Gentile – Entre élitisme et fascisme, Jean-Yves Frétigné (2007) ; G. Gentile et la fin de l'auto-conscience, É. Buissière (2009). En italien : G. Gentile : La filosofia italiana tra idealismo e anti-idealismo, P. di Giovanni (dir.), Ed. a stampa, 2003.

    ***

    Gentile• Recension : L'Esprit, la Vérité et l'Histoire, Giovanni Gentile, textes choisis par Vito A. Belleza, traduits par Joseph Moreau. Préface de M.-F. Sciacca, Paris, éd. Montaigne, coll. Philosophes italiens, Paris, 1963, 331 p.

    Ce recueil d'extraits constitue une anthologie qu'il convient d'appeler systématique. Le choix des textes est tel que le lecteur passe pratiquement en revue l'ensemble des thèmes chers à Gentile. On lui présente en premier lieu les concepts fondamentaux de l'actualisme, notamment l'acte comme logos concret, la dialectique comme méthode et aussi comme solution à l'angoisse métaphysique. Puis viennent deux autres parties, l'une consacrée à l'auto-conscience (ou conscience du sujet par lui-même, liée à la simple conscience qui est connaissance de l'objet), l'autre à la vérité comme certitude et comme valeur. Une quatrième partie concerne la notion d'expérience et comporte une analyse du sentir comme « premier moment de la pensée », du corps comme « être immédiat du Je ». La cinquième partie étudie l'art et la religion (avec refus de toute transcendance du divin). La sixième partie présente une conception intellectualiste de l'histoire. La septième et dernière partie dissipe l'illusion de l'individualité empirique, réconcilie singularité et communauté au niveau transcendantal, supprime toute représentation imaginative de la survie. M. Joseph Moreau ajoute à sa traduction, qui est claire et soignée, une note critique : il reproche à l'actualisme de rejeter l'absolu, la transcendance ontologique, sans laquelle « l'activité de la pensée ne saurait s'exercer, ni concevoir aucune valeur ». Dans sa préface, M. M.-F. Sciacca avait fait allusion, lui aussi, à la résolution de Gentile de ne rien poser au delà de l'acte de la pensée : ni Dieu, ni nature, ni loi logique ou morale, ni fait, ni catégorie.

    ► Henry Duméry, Les Études philosophiques n°3/1963.

     

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    ◘ Gentile / Evola : une liaison ami / ennemi

    Evola n'a jamais émis que des jugements âpres et sévères sur Giovanni Gentile, le philosophe de l'actualisme. Pourtant, il a entretenu avec une lui une correspondance cordiale et a collaboré à l'Enciclopedia Italiana, monument culturel commandité par le régime de Mussolini et placé sous la houlette de Gentile. Nous avons découvert les preuves de cette étrange relation, occultée jusqu'ici…

    giovanni-gentileLes rapports entre Evola et Gentile ont toujours été perçus sous l'angle conflictuel, sous l'angle des différences profondes entre les orientations philosophiques respectives des deux hommes. Evola, dans sa période spéculative (1923-27), avait élaboré une conception de l'individu absolu, représentant un dépassement décisif de la philosophie idéaliste dans ses multiples formulations, dont, notamment, l'idéalisme de Croce et l'actualisme de Gentile. Evola, en arrivant au bout de ses spéculations, approchait déjà ce point de passage vers la Tradition, comprise et perçue comme ouverture à la transcendance, et vers l'ésotérisme (en tant que voie expérimentale pour la connaissance et la réalisation du moi). Sa période spéculative à été donc une étape nécessaire dans son cheminement vers la Tradition.

    Pourtant, dans l'histoire des rapports entre les deux penseurs, il y a un élément demeuré totalement inconnu jusqu'ici : si on en prend connaissance, on acquiert une vision plus claire, plus directe et plus complète du lien qui a uni les deux hommes, en apparence ennemis. Cet élément, c'est la correspondance entre Evola et Gentile, que l'on peut consulter désormais, grâce à la courtoisie dont fait montre la Fondazione Gentile. Cette correspondance date des années 1927-1929, à l'époque où Evola dirigeait la revue Ur, publication visant à mettre au point une science du Moi, et qui fut, par la suite, sous-titrée “revue des sciences ésotériques”.

    C'est à la même époque que Gentile, avec ses collaborateurs, préparait une œuvre de grande importance scientifique : l'Enciclopedia Italiana, dont il fut le premier directeur. Le premier volume de cette œuvre gigantesque, commanditée par le régime mussolinien, est paru en 1929. Les tomes suivants paraissaient à un rythme trimestriel.

    La lettre la plus significative, du moins sous l'angle historico-culturel, est celle qu'Evola adresse à Gentile le 2 mai 1928 (année où fut publié Imperialismo pagano). Cette lettre est sur papier à en-tête de la revue Ur ; elle remercie vivement Gentile d'avoir donné suite à son désir de collaborer à l'Enciclopedia Italiana et Evola, dans la foulée, fait référence à son ami Ugo Spirito pour les domaines qui pourraient être de sa compétence.

    Cette collaboration est confirmée dans une lettre du 17 mai 1929, dans laquelle Evola rappelle à Gentile que celui-ci a confié la rédaction de quelques entrées à Ugo Spirito, qui, à son tour, les lui a confiées. Dans cette lettre, Evola ne spécifie pas de quelles entrées il s'agit exactement, ce qui rend notre travail de recherche plus difficile. Actuellement, nous avons identifié avec certitude une seule entrée, relative au terme « Atanor », signée des initiales « G.E » (Giulio Evola).

    Ces notes peuvent être vérifiées dans le volume Enciclopedia Italiana : Come e da chi è stata fatta, publiée sous les auspices de l'Istituto dell'Enciclopedia Italiana à Milan en 1947. Dans la liste des collaborateurs, Evola est mentionné (Evola Giulio, p. 182) et on mentionne également les initiales qu'il utilisaient pour signer les entrées de sa compétence (G. Ev.), de même que le domaine spécialisé dans lequel se sont insérées ses compétences : “l'occultisme”. Ce terme désigne la spécialisation du penseur traditionaliste et non une entrée de l'Encyclopédie. De plus, les mentions, que signale ce petit volume introductif à côté de la matière traitée, indiquent le tome auquel Evola a collaboré plus spécialement : soit le tome V, publié en 1930, dont la première entrée était Assi et la dernière Balso.

    Actuellement, on cherche à identifier précisément les notes préparées par Evola lui-même, pour ce volume. On tient compte du fait que bon nombre d'entrées ne sont pas signées et que le matériel préparatoire de l'Encyclopédie doit sans cesse être reclassé et mis en ordre, sous les auspices de l'Archivio Storico dell'Enciclopedia Italiana, parce que ces masses de documents ont été dispersées au cours de la Seconde Guerre mondiale. En effet, une partie de la documentation avait été transférée à Bergamo sous la République Sociale.

    Un autre élément nous permet de vérifier la participation d’Evola à cette œuvre de grande ampleur : Ugo Spirito mentionne dans un texte de 1947 le nom d’Evola parmi les rédacteurs de l'Encyclopédie dans les domaines de la philosophie, de l'économie et du droit. Des indications identiques se rencontrent dans le tome V de 1930.

    Sur base de ses données, d'autres considérations s'imposent. Le fait qu'Evola écrive à Gentile sur du papier à en-tête d'Ur, le 2 mai 1928, n'est pas fortuit.

    Evola n'était pas un homme qui agissait au hasard, surtout quand il fallait se mettre en relation avec un philosophe du niveau de Gentile, figure de premier plan dans le panorama culturel italien de l'époque. Evola ne s'est donc pas présenté au théoricien de l'actualisme à titre personnel, mais comme le représentant d'un filon culturel qui trouvait sa expression en Ur, revue dont il était le directeur. Evola tentait de la sorte d'officialiser les études et les sciences ésotériques dans le cadre de la culture dominante, au moment historique où triomphait le fascisme mussolinien. Ce dessein se devine tout de suite quand on sait que la discipline attribuée tout spécialement à Evola dans l'Encyclopédie a été “l'occultisme”.

    Gentile accepte donc la collaboration d’Evola, ce qui constitue, de fait, une reconnaissance avouée des qualifications du théoricien de l'individu absolu, ainsi qu'un indice de l'attention portée par Gentile aux thématiques traitées dans Ur, au-delà des convictions qui opposaient les deux hommes et des différences irréductibles d'ordre philosophique qui les séparaient. La collaboration d’Evola à l'Encyclopédie dirigée par Gentile prouve que ce dernier l'acceptait parmi les scientifiques de haut rang, dont le prestige culturel était incontestable dans l'Italie de l'époque. De ces rapports épistolaires entre Evola et Gentile, nous pouvons déduire, aujourd'hui, un enseignement que nous lèguent de concert les deux philosophes : ils se montrent tous deux capables d'intégrer harmonieusement des cohérences qui leur sont étrangères, des cohérences qui contrarient leurs propres principes, ce qui atteste d'une ouverture d'esprit et d'une propension au dialogue, à la confrontation fertile et à la collaboration, même et surtout avec ceux qui expriment une forte altérité de caractère et d'idées. La cohérence est une force positive : elle n'est pas la rigidité de celui qui s'enferme dans un isolement stérile. Un fair play qu'il convient de méditer à l'heure où d'aucuns réclament à tue-tête l'avènement d'une nouvelle inquisition.

    Depuis 50 ans, on assiste à une démonisation a-critique, fourvoyante et infondée de nos deux penseurs, on constate un fossé d'incompréhension, des barrières qu'heureusement on peut commencer à franchir aujourd'hui, vu les processus de transformation qui sont à l'œuvre dans le monde culturel. Il n'empêche que l'avilissement du débat culturel dans le sillage de l'anti-fascisme ou de l'esprit de parti est une réalité malheureuse de notre époque. Pour inverser la vapeur, il convient de remettre en exergue ces liens entre Evola et Gentile, entre deux philosophes appartenant à des écoles totalement différentes et opposées, afin de relancer un débat à l'échelle nationale italienne, de réexaminer les racines de notre histoire récente, de récupérer ce qui a été injustement étouffé après 1945 et gommé de nos consciences à cause d'une fièvre aigüe de damnatio memoriae.

    En conclusion, outre la piste que nous offre la consultation des Archives Laterza pour explorer les rapports entre Croce et Evola, nous devrions aussi compulser les lettres de Croce, mais, hélas, les Archives Croce nous ont textuellement dit que « ces lettres-là ne sont pas consultables ». C'est une politique diamétralement différente de celle que pratique la Fondazione Gentile, qui permet, elle, de consulter sans difficultés les lettres dont je viens de vous parler.

    ► Stefano Arcella, Vouloir n°119/121, 1996.

     

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