• SchoepsPrussien par élection

    Hommage à Hans-Joachim Schoeps, à l’occasion du 30ème anniversaire de sa disparition

    [ci-contre : HJ Schoeps (1909-1980) en 1957]

    « On n’est pas Prussien par le sang, on le devient par un acte de foi ». Cette phrase est due à la plume du philosophe juif et de l’explorateur des religions Hans-Joachim Schoeps. Le 8 juillet 2010, il y avait juste 30 ans qu’il avait quitté ce monde. Inutile de préciser que la maxime mise en exergue de ce texte le concernait personnellement : Schoeps s’affirmait Prussien.

    Après la Seconde Guerre mondiale, à une époque où le peuple allemand entamait le long processus qui consistait à se nier soi-même, Schoeps s’est dressé et a commencé à militer pour le droit de l’Allemagne à la vie. Il savait comment son engagement allait être perçu et il l’a dit de manière très pertinente : « Les pierres angulaires de ma vie, être tout à la foi conservateur, prussien et juif, font bien évidemment l’effet d’une provocation chez les fils rouges de pères bruns ». Les insultes n’ont pas manqué de fuser : Wolf Biermann, compositeur juif de chansons d’inspiration communiste, s’est immédiatement laissé aller en étiquetant Schoeps de « Juif à la Heil Hitler ». Cette insulte était bien entendu une aberration telle qu’elle n’a jamais eu d’équivalent. De fait, Schoeps, qui a enseigné jusqu’en 1938 au Gymnasium juif de Vienne, n’avait pas eu d’autre alternative, après la terrible Nuit de Cristal d’emprunter le chemin de l’exil. Il s’est rendu en Suède. Son père, le Dr. Julius Schoeps, colonel médecin militaire attaché à l’état-major, et d’après le très officiel Biographisches Handbuch der deutschsprachigen Emigration (Manuel biographique de l’émigration germanophone) , un “nationaliste allemand”, est mort en 1942 dans le camp-ghetto de Theresienstadt.

    Le rêve de l’unité allemande

    Hans-Joachim Schoeps est né en 1909 à Berlin. Il était sentimentalement et profondément lié à la capitale allemande et le resta jusqu’à la fin de ses jours. Il n’a malheureusement pas pu vivre la chute du Mur et la réunification du pays. Dans les souvenirs qu’il nous a laissés, il écrit : « ah, que j’aimerais encore une fois au moins me promener dans les rues de Potsdam et entendre le son des vieilles cloches de l’église de la garnison ou me retrouver sur les murailles de Marienburg pour voir y flotter l’aigle noir et le drapeau avec nos deux couleurs, le drapeau sous lequel ont combattu les Chevaliers de l’Ordre pour gagner la Prusse au Reich ».

    Pendant la République de Weimar, Schoeps a fréquenté les nationaux-allemands, les mouvements de jeunesse bündisch (liguistes), liés à  la tradition des Wandervögel, mais en s’intéressant à la politique et animés par une volonté de forger une société et un État nouveaux. En 1932, une année après avoir obtenu son doctorat en philosophie, thèse qui portait sur « l’histoire de la philosophie religieuse juive à l’époque moderne », Schoeps fonde le Deutscher Vortrupp – Gefolgschaft deutsche Juden (Avant-garde des éclaireurs allemands – Leudes juifs allemands), pour offrir un espace d’activité et de survie aux Juifs allemands patriotes, leur donnant simultanément la possibilité d’agir pour forger un ordre nouveau. L’entreprise fut un échec car ni les antisémites de la NSDAP ni les sionistes ne voulaient voir se constituer un tel mouvement.

    SchoepsEn 1946, Schoeps revient de Suède et se fixe à nouveau en Allemagne. Il a l’honneur de refuser catégoriquement l’offre que lui fit immédiatement l’occupant américain : travailler dans un journal sous licence pour participer à la rééducation du peuple. « Je ne veut pas devenir un Quisling des Américains », déclara-t-il à la suite de son refus hautain. En 1947, il obtient un nouveau titre de docteur à l’Université de Marbourg et, à partir de 1950, il enseigne l’histoire des religions et des idées à l’Université d’Erlangen. Dans le cadre de ses activités universitaires, il s’est toujours dressé contre les accusations collectives que l’idéologie nouvelle, anti-allemande, ne cessait de formuler. Schoeps s’engage aussi pour réhabiliter l’histoire prussienne, continuellement diffamée. Dès 1951, il réclame la reconstitution de la Prusse, que le Conseil de Contrôle interallié avait dissoute en 1947.

    Après la guerre, il n’a jamais cessé non plus de parler au nom de la communauté juive d’Allemagne. Il refusait de s’identifier aux idéologues du sionisme et n’a jamais voulu se rendre dans le nouvel État d’Israël.

    ► article paru dans DNZ n°28/juillet 2010.


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